- C i t o y e n s . d u . n e t

Denis Beauregard
Controverse sur le réseau


par Jean-Hugues Roy

Denis Beauregard Denis Beauregard Z-mag : Vous intervenez souvent dans des discussions politiques en faveur de la souveraineté. Bien qu'à l'époque où vous aviez un compte à l'IREQ, vous spécifiiez que vos opinions n'étaient pas nécessairement celles de votre employeur, votre adresse électronique nommait l'IREQ et, surtout, Hydro-Québec. Avez-vous déjà eu des problèmes avec ça?
Denis Beauregard : Non. Le seul problème sérieux que j'ai eu a rapport avec la généalogie!
Sur le réseau, il est vrai qu'il y a des gens qui ont dit que je suis un peu gâté parce que je peux utiliser mon compte d'employé pour naviguer sur le réseau. Ils disent que je ne devrais pas faire ça et que je devrais avoir honte. Mais parmi ceux qui ont exprimé ce point de vue, il y a des étudiants, qui disposent d'un compte gratuit avec leur université...
Éventuellement, je vais avoir mon compte à moi.
Je ne fais pas un usage commercial de mon compte. Mais je travaille sur une base de données de généalogie qui, je me croise les doigts, va bien se vendre. Elle contient entre 500 000 et un million de noms. Ça prend de la place! Ça prend aussi un outil de recherche. En ayant un compte que je paierais de ma poche, je pourrais exiger certains services. Ici, je ne peux pas trop les achaler pour demander d'avoir une page Web interactive, surtout si c'est pour un usage personnel. Juste mettre un compteur, je ne réussis pas!

NDLR: Depuis cette entrevue, Denis Beauregard a déjà déménag´ ses pénates électroniques chez Communications accessibles Montréal (CAM)

Z-mag : Cette base de données sera-t-elle accessible sur le Web?
Denis Beauregard : Oui. On trouve déjà des bases de données de généalogie qui sont accessibles sur le Web. D'autres personnes ont mis leur arbre généalogique sur le réseau.

Z-mag : Mais si on retourne à la politique, vous me disiez que des étudiants de Concordia vous avaient «ciblé », à justement, de vos opinions. Qu'en est-il au juste?
Denis Beauregard : C'est ce que j'ai lu sur le réseau. Mais il y a tellement de choses qui s'écrivent sur le réseau qu'on finit par ne plus trop y porter attention... Ça devient comme une conversation. Il y a des gens qui sont dans le même camp que toi, mais qui n'expriment pas toujours clairement leur point de vue, ou qui utilisent l'injure...

Z-mag : Ces discussions ne sont-elles pas stériles, d'après vous? Il y a toujours des enfilades sur la question de l'avenir politique du Québec et ce sont toujours les mêmes arguments qui sont continuellement échangés...
Denis Beauregard : C'est qu'il y a toujours des nouveaux qui arrivent, qui sont sincères, qui ne savent réellement pas pourquoi 40 % des Québécois sont prêts, demain, à dire « OUI » à un pays. Ils sont prêts à partager et à expliquer leurs opinions sincères.

Z-mag : Mais est-ce qu'il ne s'agit pas beaucoup plus d'un dialogue de sourds que d'une discussion sincère?
Denis Beauregard : En partie, c'est un dialogue de sourds, oui. Mais tu peux aussi voir les réactions des gens à certaines idées. Tu as un feed-back instantané. En ce sens, le Parti québécois manque quelque chose en n'étant pas plus engagé que ça. Même si les internautes ne sont pas nécessairement représentatifs de l'ensemble de la population, tu as quand même une variété d'idées suffisante qui s'exprime sur Internet.

Z-mag : S'il y avait un référendum juste sur Internet, qu'est-ce qui arriverait?
Denis Beauregard : Ça irait bien! Il y a peut-être 60 % des internautes québécois qui sont en faveur de la souveraineté.

Z-mag : Internet est-il un bon endroit pour dialoguer?
Denis Beauregard : Oui. Tu peux rapidement identifier les gens qui vont toujours répéter les mêmes choses par rapport à ceux qui font réellement avancer les discussions.

Z-mag : Ne croyez-vous pas que certains internautes fédéralistes pourraient dire : « Ouais, ben, Denis Beauregard, je trouve qu'il répète toujours la même chose. »?
Denis Beauregard : Oui, sauf que ce n'est pas vrai. Il y a des gens qui introduisent les faits pour les besoins de leur analyse et si on réagit à cette analyse, c'est plus dynamique que si c'est nous qui ramenons cette analyse à chaque fois.
Souvent, les gens vont émettre des dogmes, des idées qui ne sont pas discutables.

Z-mag : Vous aviez l'âge de voter au référendum de mai 1980?
Denis Beauregard : Oui, mais j'étais en Suisse à l'époque.

Z-mag : Est-ce que, pour le référendum d'octobre 1995, l'Internet vous a exposé à plus d'arguments? Est-ce que ça a enrichi votre répertoire d'arguments pour discuter avec des fédéralistes?
Denis Beauregard : C'est différent. C'est sûr que sur le réseau, on a une ouverture beaucoup plus grande. Si on n'est pas d'accord avec ce que quelqu'un dit, on peut présenter des contre-arguments.
Il y a des gens qui ne vont pas accepter qu'on ne partage pas leur point de vue et qui vont se mettre à insulter tout de suite. Ce qu'il faut, c'est ne pas répondre à ces gens-là, parce que c'est du temps perdu.
Mais avec les gens qui sont intéressés à la discussion, il y a des échanges réels et intéressants qui peuvent se produire. On peut polir nos arguments en comprenant mieux comment les gens d'en face pensent.

Z-mag : Y a-t-il des fédéralistes que vous respectez et qui, en retour, vous respectent aussi?
Denis Beauregard : Oui. Malgré la virulence des débats, parfois, il y a beaucoup de gens qui s'entre-respectent sur le réseau. En 1992, il y avait eu le référendum sur l'accord de Charlottetown. À l'époque, j'avais fait un bulletin de généalogie et je voulais en faire une version anglaise. J'avais lancé mon appel à l'aide sur le réseau, mais à la fois dans des groupes de généalogie et dans soc.culture.canada. Il y avait plusieurs personnes qui m'avaient répondu et offert leur aide, et j'avais envoyé environ deux pages différentes à chaque personne. Parmi les gens qui se sont offerts pour m'aider, il y avait des gens des deux camps, bien que je m'étais identifié au camp du « NON ».
Donc, même si les gens ne sont pas d'accord avec notre opinion, il y a quand même des liens qui se font et on se respecte quand même. La preuve, c'est que des gens qui ne partageaient pas mon point de vue ont offert de m'aider dans ce cas bien précis.

Denis Beauregard Z-mag : Avez-vous des ennemis sur le réseau?
Denis Beauregard : « Ennemi », c'est un mot bien fort. Il y a des gens de l'autre camp qui peuvent être bêtes. Il y a quelqu'un, un Franco-Manitobain, je pense, avec qui j'avais eu des échanges il y a deux ou trois ans. Il m'avait posé une question, qui m'échappe aujourd'hui, mais qui aurait nécessité que je fouille à la bibliothèque de l'Université de Montréal, ce que je déteste, parce qu'on n'y trouve pas de stationnement! Je lui ai donc répondu : « J'ai pas le temps! »
Peu de temps après, quelqu'un avait soumis une question dans les news, et j'avais longuement répondu, ce qui semble avoir déplu à notre Franco-Manitobain, puisqu'un an ou deux après tout ça, il a laissé un message sur le groupe me reprochant d'être de mauvaise foi...
Les fédéralistes vont souvent me présenter comme un extrémiste. Au début de ma « carrière » sur le réseau, je présentais peut-être des positions un peu extrêmes ou dures, à l'époque où on ne comptait pas beaucoup de francophones branchés pour défendre des points de vue du Québec. Mais je ne suis pas un extrémiste.
Je peux poster sur les groupes des opinions qui peuvent paraître assez racistes, par exemple. Mais ce n'est pas nécessairement ce que moi je pense.

Z-mag : Y a-t-il des gens qui vous ont traité de raciste?
Denis Beauregard : Je n'ai pas vraiment prêté attention. Mais, par exemple, il y a un internaute du nom de Pompeo d'Avila, un fédéraliste, qui est allé visiter mes pages Web et qui m'a demandé si j'avais fait exprès de ne pas parler des Indiens. Du point de vue généalogique, très peu de gens ont des ancêtres amérindiens au Québec.
Au Manitoba, beaucoup de Franco-Manitobains sont métis. Mais au Québec, dire qu'on a un peu de sang indien dans nos veines n'est pas exact. Par contre, la plupart des gens ont des ancêtres britanniques.
D'autre part, les Amérindiens ont très peu de chances de ne pas avoir de sang européen. Quelqu'un évaluait qu'à Kahnawake, la majorité de la population n'avait pas la moitié de sang Mohawk requis pour vivre sur la réserve. Mais je n'ai pas vu de preuves de cela.
J'ai donc répondu à Pompeo d'Avila que nous n'avions pas tant d'ancêtres amérindiens que cela et que si les Amérindiens avaient une contribution à l'histoire et à la culture, ils n'avaient pas une grande contribution à la généalogie. Et je lui ai dit que de toutes façons, j'allais bientôt ajouter une page sur les Indiens. Et il ne m'a pas répondu par la suite.


Cet article a été mis en ligne le 19 décembre 1995

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