Cotes d’écoute de l’information: c’est encore pire que je pensais

Écoute TV info 2009 2014

Évolution de l’écoute de l’info télé au Québec. Les années 2009 et 2014 ne sont pas significatives, car les données sont incomplètes (source: Numeris).

L’écoute de l’information à la télévision dégringole. On le savait. Et des journalistes spécialisés en médias nous en ont parlé, récemment (Nathalie Collard, Stéphane Baillargeon).

Pour un cours, je cherchais à avoir des données plus précises et plus complètes pour appuyer ce phénomène. Malheureusement, il y en a très peu, voire pas du tout. Les données d’écoute de Numeris (ex-BBM) ne sont pas gratuites…

Il y a cependant moyen d’aller en chercher en faisant un peu de scraping (méthodologie complète). Les données sont basées sur la liste des 30 émissions les plus écoutées chaque semaine publiée par Numeris. La cote d’écoute mesurée est ce que Numeris appelle l’écoute «confirmée», c’est-à-dire l’écoute en direct, à laquelle on ajoute l’écoute de l’émission durant les sept jours suivant la diffusion. Les Américains appellent cela L7 (live + 7-day rating)*.

Des émissions d’information se retrouvent régulièrement dans ce palmarès. Il s’agit de grands bulletins de nouvelles et de quelques émissions d’affaires publiques qui y apparaissent toutes les semaines. Il y a donc moyen de mesurer l’évolution de l’écoute de ces principales émissions. Et ce qu’on découvre est navrant.

Entre 2010 et 2013, l’écoute des principales émissions d’information au Québec a baissé de 24,3%.

L’écoute cumulative de tous les bulletins de TVA, qui apparaissent à chaque semaine dans le palmarès de Numeris, a de son côté chuté de 32,4% entre 2010 et 2013. Je ne compare pas une journée X avec une journée Y, ici. Ou une semaine A avec une semaine B. Il s’agit de l’écoute cumulative, la somme des cotes d’écoute d’une émission donnée, pendant toute une année. Les données sur les Téléjournaux de Radio-Canada ne sont pas significatives puisqu’ils n’apparaissent pas toutes les semaines dans le palmarès.

La situation de l’information est d’autant plus préoccupante qu’elle est contraire à la tendance de l’écoute de l’ensemble de la télévision québécoise.

En effet, aussi étonnant que cela puisse paraître, les Québécois écoutent plus de télévision en 2013 qu’en 2010 (2,7% de plus), si on se fie au palmarès des 30 émissions les plus écoutées.

Le graphique ci-dessous donne un portrait encore plus fin. Chaque point rouge est une émission. Les points sont réunis par mois, ce qui donne une série de «colonnes» de points pour chacun des mois pour lesquels j’ai des données entre 2009 et 2014. On y voit très clairement combien l’écoute baisse en été, et remonte l’automne et l’hiver (sauf en décembre).

Il y a également deux lignes d’interpolation. L’interpolation linéaire (en bleu) montre une tendance très légèrement à la baisse de l’écoute de la télévision au Québec entre août 2009 et août 2014. L’interpolation polynomiale (en jaune), elle, montre au contraire une tendance très légèrement à la hausse dans les dernières années. Bref, aucune des deux tendances n’est très significative et on peut raisonnablement conclure que l’écoute de la télévision québécoise est demeurée stable entre 2009 et 2014.

Un dernier graphique.

Je voulais voir combien de fois des émissions dépassaient le million de téléspectateurs à chaque année. Normalement, si l’écoute de la télévision baisse, le nombre de fois où les cotes d’écoute dépasse le million devrait baisser lui aussi.

Eh bien non. Ces cinq dernières années, le nombre d’émissions millionnaires reste assez stable. Dans le graphique ci-dessous, on en a la répartition année par année, avec aussi une indication du nombre d’émissions qui dépassent 1,5 million, 2 millions et 2,5 millions de téléspectateurs. 2014 est même une année record en ce qui concerne les émissions qui dépassent 2,5 millions de téléspectateurs!

Ces données ont des limites, bien sûr. Elles ne représentent que l’écoute des 30 émissions les plus regardées chaque semaine. C’est un portrait partiel de l’écoute de la télévision au Québec. Mais on compare la même chose au fil du temps: toujours, il s’agit des 30 émissions les plus regardées. Ces chiffres donnent donc probablement un portrait fidèle de l’écoute de l’ensemble de la télévision.

Pour ce qui est de l’écoute de l’information, par contre, comme les émissions d’information ne se trouvent pas toujours dans le palmarès de Numeris, le portrait est peut-être moins fidèle. Mes résultats sont imparfaits, je le concède. Mais c’est le seul moyen que j’ai trouvé pour mesurer l’écoute de l’info télé au Québec et, à ma connaissance, c’est quelque chose qui n’avait pas encore été fait.

Il est possible de reproduire ma démarche en suivant la méthodologie décrite ici.

* Merci à Suzanne Lortie pour une référence sur l’explication de l’écoute L7; mise à jour le 24 septembre 2014.

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2 réponses

  1. Lubin Bisson dit :

    Très bien fait, merci. Puis, ces résultats reflètent ce qui ce passe en dehors du Québec aussi. Bravo.

  1. août 24, 2016

    […] polynomiale. Il s’agit plutôt d’interpolation, comme je le disais dans des billets […]

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