Dimanche, 1er octobre 2000
L'île et la rivière
Je n'y croyais pas vraiment. Quand j'ai proposé à ta mère et ton frère d'aller faire un tour sur la rivière des Mille-Îles aujourd'hui, j'étais certain qu'il ne s'y louait plus d'embarcations depuis la fête du Travail. On y est allé. Et miracle! C'était encore ouvert! On a fait un tour de canoë ensemble, sur ce bout de rivière brune qui m'a vu grandir. |
L'endroit n'est pas exactement sauvage. Il faut passer sous les piliers de béton du pont Marius-Dufresne (qu'on appelait Hippolyte-Lafontaine dans mon temps). De mon temps, justement, la rivière sentait le caniveau. Des électro-ménagers jonchaient ses berges et avec mes amis, on s'amusait à lancer des cailloux sur les pneus usés qui flottaient au large. Aujourd'hui, la rivière est un parc où les grands hérons bleus reprennent lentement, mais sûrement, leurs droits. |
Si le mot «majestueux» n'existait pas, il faudrait l'inventer juste pour décrire l'envol de cet oiseau magnifique. |
Après quelques coups de pagaie, on a fait un arrêt sur l'île Darling, cette île si mystérieuse durant mon enfance. Un petit quai y a été récemment aménagé. Ton grand frère en a profité pour s'exercer à la très olympique discipline du tirage de la roche à l'eau. |
L'île Darling est située juste en face de la cour de l'école Villemaire, où j'ai joué toute mon enfance. Avec mes amis, Stéphane, Sylvain, François, et les autres, on l'apercevait, de l'autre côté des flots. Et on faisait mille projets d'aller l'explorer et d'en faire notre base. Mais jamais nous n'avons pu mettre nos plans à exécution. Nous n'avions pas d'embarcation. Et l'hiver, nous n'osions pas traverser. Une fois, je suis passé à travers la glace. J'étais tout près du bord, heureusement, j'ai pu toucher au fond avant de caler complètement avec mon gros habit de ski-doo. Bref, j'ai toujours voulu aller sur cette île et aujourd'hui, j'ai pu y poser le pied enfin. Quelle vue magnifique on avait sur l'église de Sainte-Rose. Quelle lumière! On comprend que c'est ici que Clarence Gagnon et Marc-Aurèle Fortin ont puisé leurs premières inspirations. |
Sur l'île, on a vu les vestiges d'une maison. Il y avait un chalet, ici, avant que la ville ne rattrape Sainte-Rose et pollue la rivière. Je me souviens encore qu'on pouvait l'apercevoir du rivage, cette maison. Mais que nos rêves d'y pénétrer se sont envolés en fumée quand elle a brûlé, vers 1975. |
Sur l'île, nous avons marché tous les trois. Trois ombres sur le sentier. Bientôt, avec toi, il y en aura quatre! |
Après cette promenade sur les territoires de mon enfance, nous sommes allés souper avec ton grand-papa Michel. Il a coupé les cheveux de ton frère, qui n'apprécia pas particulièrement la passe du toupet, sur son balcon, dehors, éclairé par un projecteur de chantier.
C'était notre dernière belle journée de l'année, j'en ai peur. |
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