ÉL

L'Électron libre

Entrevue réalisée en juillet 1995

«Mon rush, c'est le graf»

S E A Z


Escabeau devant une oeuvre de Seaz
Escabeau devant la pièce que Seaz a effectuée lors du Graf Jam de mars 1996.

Seaz
Je ne sais pas si tu as entendu parler de ce jeune de 11 ans qui est mort, l'autre jour, à Saint-Henri?


Oui, sur une voie ferrée?

Seaz
Là-bas, mon crew et moi, on a notre mur de pratique.
Avant qu'on s'y installe, c'était vraiment dead, c'était mort. Et les jeunes avaient un peu peur de jouer tout près.
On a mis une couche de fond dessus (le spot était assez safe) et on l'a rempli de grosses pièces. Aujourd'hui, si tu vas voir ce mur-là, tu vas y trouver beaucoup de monde. C'est devenu comme un véritable terrain de jeu. Je pense qu'on a réussi à créer un environnement plus safe pour les jeunes, moins intimidant qu'un mur en béton.
Quand j'ai entendu la nouvelle de la mort de ce jeune-là, l'autre jour, il y a quelque chose qui me disait que ce jeune-là avait joué près de nos pièces et qui avait peut-être même barbouillé par-dessus nos grafs. Mais je m'en fous et j'ai été faire un throwup "Seazer" sur un camion pour lui. Par la suite, mon crew et moi, on y est retourné là-bas et on fait une pièce dédicacée au jeune en question.
Je ne le connais pas. Mais je me sens attaché à lui. Je ne sais pas pourquoi, mais je sens qu'il fallait faire ça en sa mémoire.


Tu parlais tantôt des parents, est-ce tes parents sont au courant de ce tu fais?

Seaz
Je n'en sait absolument rien! J'habite encore chez eux mais, je pense que même s'ils le savaient, ils ne diraient rien. Je suis déjà tout tatoué et ils ne disent rien, alors.
J'ai 22 ans. J'ai ma propre vie et je peux faire ce que je veux et mes parents ne s'y mêlent pas. Je garde ces choses-là pour moi, tu comprends.
Si la police venait un jour sonner à ma porte, par contre, je suis certain que mes parents ne seraient pas contents!


As-tu déjà été faire du graf ailleurs?

Seaz
Je suis monté une fois à Ottawa, il n'y a pas très longtemps, sur un coup de tête. J'ai décidé d'aller là, un soir, en char. Je voulais voir si y avait des graf dans notre Capitale nationale.
Et j'ai trouvé un gros, gros mur! J'ai pris des photos. J'ai fait quelques petits tags. Et ç'a été tout.
À un moment donné, je vais descendre à New York. Là-bas, par contre, je ne ferais pas de pièces. Je ne connais pas les crew qui travaillent là-bas et je n'ai pas envie d'avoir de friction avec eux.


Bleach
Oeuvre de Bleach, graffitiste américain venu décorer le BOMB Shelter.

Est-ce qu'il y a des New-Yorkais ou des Torontois qui viennent travailler ici?

Seaz
Oui. Par exemple, il y a un gars qui a fait un tag ici et un rooftop. Son nom est Cole ou Colo. Il vient de l'Ontario, d'Ottawa ou de Toronto, je ne sais plus. Il se promenait avec Dab, je pense.


King, avec une canette à la place du I King, il vient d'où, lui?

Seaz
King, on le voit souvent. Mais il vient de Montréal. Par contre, MDMA vient du Vermont. Et il y a Ha, celui qui fait les faces d'extra-terrestre, qui vient d'ailleurs.
Et puis il a ben des filles qui en font aussi aujourd'hui.



Ah oui? Et quel est leur nom de tag?

Seaz
J'aime mieux pas le dire.


Et hier qu'est-ce qui est arrivé à Dab?

Seaz
Je ne sais pas vraiment. Il était avec nous autres sur Vauquelin. On ne taguait pas, on ne faisait que du skate. La police est arrivée et Dab est le seul qu'ils ont embarqué. Mais ce n'était pas à propos du graf. C'était pour une autre histoire.


Sike piquait ses bombes aérosol au lieu de les acheter. Qu'est-ce que tu fais, toi?

Seaz
Moi, je les achète.
Si tu les voles, tu cours un autre risque de te faire pogner. Et si tu te fais pogner, à ce moment-là, c'est un autre crime. C'est du vol.
C'est plus grave que lorsque tu te fais pogner en train de peinturer, c'est-à-dire pour du vandalisme.


Penses tu que Montréal va être plus ouverte au graffiti? À Montréal, on ne peut même pas vendre de la bouffe dans la rue! On dit souvent que Montréal est plus straight que bien d'autres villes en Amérique du Nord.

Seaz
Je pense que ça va venir avec le temps. Montréal a toujours été à l'avant-garde de bien des courants, je pense. On a toujours été un peu plus "hard core" qu'ailleurs, avec des endroits comme les Foufounes, par exemple.


Pourquoi tes tags sont faciles à lire alors que ceux de certains autres sont indéchiffrables?

Seaz
Je fais en sorte que mes throwups et mes tags soient faciles à lire parce que je veux que le monde sache qui je suis! Quand je serai assez connu, à ce moment-là je vais commencer à faire des pièces plus compliquées.


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©1995-96 Jean-Hugues Roy
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