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- A c t u a l i t é s

La réaction de Cyber@Québec au rapport Berlinguet
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Un Québec branché sur son avenir

Commentaires sur le Rapport du Comité consultatif sur l'autoroute de l'information (présidé par Louis Berlinguet, président du Conseil de la science et de la technologie du Québec) et recommandations pour un projet d'inforoute québécois.

Introduction

Le gouvernement du Québec semble s'être engagé sur une voie de changement en lançant de vastes projets de réformes de ses institutions, notamment celles de la santé et de l'éducation. Selon les recommandations d'un rapport intitulé "Inforoute Québec" publié par le Conseil de la Science et de la Technologie sous la direction de M. Louis Berlinguet, il est proposé de miser sur la technologie pour répondre aux besoins du Québec dans le restructuration de ses institutions.

Or, après une lecture approfondie du rapport Berlinguet, Cyber@Québec ne peut que constater un manque de rigueur dans la démarche empruntée par le comité. En effet, le comité propose une série de moyens visant à faire de l'inforoute l'ultime outil devant régler tous les maux du Québec, alors qu'au préalable, les besoins de la société québécoise n'ont même pas été étudiés et précisés.

Cyber@Québec considère qu'il est du devoir du gouvernement du Québec de consulter la population avant que soient approuvées des initiatives technologiques de l'ampleur de celle des inforoutes compte tenu que ces nouvelles technologies auront des impacts extrêmement structurants sur notre société. Par conséquent, nous ne croyons pas que le gouvernement devrait s'appuyer sur les recommandations du rapport Berlinguet avant de prendre des décisions qui engageront à long terme la société québécoise.

Il est donc impératif, avant de se lancer dans des projets d'inforoutes, qu'une étude approfondie des besoins de notre société soit réalisée. Pour ce faire, Cyber@Québec recommande que soit tenu des états généraux sur les inforoutes du Québec visant la précision des besoins sociaux, l'évaluation des solutions technologiques pouvant répondre à ces besoins ainsi que leurs impacts sur la société québécoise.

Avant d'investir l'argent des contribuables dans des aventures technologiques qui ne répondront pas à leurs besoins, Cyber@Québec demande au gouvernement du Québec de faire le premier pas logique, celui de la consultation.

Section 1 - Commentaires quant à la démarche du comité Berlinguet

Point 1 - Limitation dans l'expression des besoins sociaux.

Nos premières observations nous portent à conclure que la population québécoise qui financera, utilisera et dépendra de plus en plus de ces inforoutes n'a pas été invitée à participer et à alimenter les travaux du comité dont les réunions se sont tenues dans la plus grande confidentialité.

Alors que la plupart des intervenants, notamment le Bloc Québécois, avaient reproché au gouvernement fédéral de ne pas faire assez de place à la population dans le comité Johnston, le comité Berlinguet ne comprend que quelques industriels , centres de recherche et fonctionnaires. Seulement quatre entreprises ont été consultées, tandis qu'on n'a pas jugé bon d'inviter les différents organismes associatifs, communautaires et syndicaux à donner leur avis.

Les inforoutes sont reconnues dans tous les pays comme bouleversant les institutions et, ainsi, restructurant la société pour les prochaines années, voire décennies. De la même façon que la télévision, le téléphone ou le train, cette évolution technologique permet à des individus de communiquer entre eux et d'échanger, sans connaître de frontières, de l'information et du savoir, avec une facilité et une efficacité sans précédent. Seule une consultation large et ouverte peut garantir que les gestes posés, notamment par le gouvernement et les services publics, supporteront le type de société à laquelle aspirent les Québécois et correspondront aux besoins réels du Québec.

Ces besoins n'apparaissent que furtivement dans le rapport du comité en prenant des formes très générales et ne semblent pas dépasser l'évidence ou le voeu pieux. On cite par exemple: "... rendre la connaissance accessible partout...", "...apprendre aux jeunes à s'ouvrir au monde...", "... promouvoir le français et les intérêts culturels du Québec...", etc.

Cyber@Québec croit que l'autoroute de l'information du Québec ne peut se faire en passant par dessus les besoins spécifiques et précis des différents groupes d'utilisateurs québécois. Ignorer ces besoins, c'est passer à côté de l'objectif le plus fondamental de ce projet : le mieux vivre québécois.

À la lumière de cette seule constatation, Cyber@Québec se doit de constater que la démarche du comité consultatif n'a pas permis d'identifier les besoins réels et les objectifs que la société québécoise peut viser à travers les milliards qui seront investis en son nom dans le projets d'inforoutes.

En comparaison, le gouvernent des États-Unis malgré l'importance des ressources dont il dispose pour établir une stratégie sur les inforoutes et malgré la maîtrise de ce dossier par ses plus hauts dirigeants (Bill Clinton et Al Gore), estime nécessaire de consulter ses citoyens pour bénéficier de nouvelles idées et orienter ses actions. Dans ce sens, l'Information Infrastructure Task Force (IITF) a jugé prioritaire pour définir sa stratégie, de consulter le plus grand nombre de personnes : utilisateurs, spécialistes, citoyens porteurs d'idées, etc. La dernière de ces consultations, le 12 juillet dernier, a réuni 10 000 participants notamment via Internet. 100 000 personnes ont consulté les travaux et près de 3 000 commentaires ont été recueillis. Plusieurs consultations de ce type ont été organisées par le IITF cette année.

Suite à la publication du rapport, il est important de noter qu'aucun mécanisme de rétroaction n'a été mis à la disposition des citoyens et intervenants concernés afin qu'ils puissent émettre leurs commentaires et leurs avis.

Point 2 - Motivation arbitraire du projet Inforoute Québec.

Nous croyons que la vision et les motivations du Québec dans ce dossier d'ampleur doivent dépasser le simple "tout le monde le fait, il faut le faire nous aussi!" Pourtant les arguments avancés par le comité ne semblent pas aller plus loin.

Nous constatons qu'aucune bibliographie n'est malheureusement annexée au rapport du comité.
Il semble que le comité consultatif n'ait pas étudié les différents rapports publiés par les groupes industriels et comités stratégiques nationaux qui travaillent sur ces enjeux depuis plusieurs mois, voire plusieurs années. À ce chapitre, une quantité appréciable d'information est disponible sur les stratégies américaines, européennes et d'autres pays, ainsi que sur les projets politiques, sociaux et industriels qui les accompagnent.

Nous croyons fermement que les motivations devant amener le Québec à réaliser l'inforoute doivent être solidement appuyées par des besoins de société, mais surtout, que ce projet doit se faire à la lumière d'une compréhension précise de ce qu'implique ce type de projet.

Point 3 - Manques.

1.3.1 Démarche ordonnée.

Il semble que beaucoup plus d'importance ait été accordée à proposer des recommandations et à suggérer des moyens qu'à analyser la problématique, les besoins et les enjeux de l'inforoute.
Dans toute analyse, une démarche logique et ordonnée doit être suivie:

On ne sent pas dans le rapport qu'une démarche rigoureuse ait été suivie par le comité avant d'arriver à ces recommandations très générales et peu motivées.

1.3.2 Démarche ouverte.

Cyber@Québec croit que le comité aurait pu bénéficier de plus de crédibilité en travaillant ouvertement et de façon transparente.

1.3.3 Besoins de la société québécoise.

Les thèmes choisis semblent toucher surtout l'image du gouvernement québécois plutôt que les principaux concernés - les Québécois. Le rapport ne traite en aucun temps des VRAIS besoins des Québécois ni de leur protection ou de leur participation.

Pertinemment, nous savons que plusieurs projets nationaux et internationaux relatifs à l'inforoute se réalisent dans d'autres pays. Il est décevant de constater que le rapport du Comité Berlinguet ne s'inspire ni n'incorpore en aucun temps le travail déjà effectué par d'autres personnes ou groupes de travail et qu'il ne considère pas les autres initiatives de projet d'inforoute. Le rapport se contente de dire que le "...Québec aura tout intérêt a suivre l'évolution de ces débats".

1.3.4 Vie privée et propriété intellectuelle.

La Charte québécoise des droits et libertés ainsi que la charte fédérale garantissent le droit à la vie privée et au respect de l'intégrité de sa personne. Les lois provinciales et fédérales sur l'accès à l'information établissent les critères et les conditions selon lesquels l'information peut être transmise à certaines personnes. Comment protéger les informations personnelles faisant partie de la vie privée d'un individu (tel le crédit, les dossiers de santé, assurance chômage, impôts etc.) une fois que ces informations circulent sur un réseau?

Nous croyons que le comité aurait dû se pencher sur les questions de confidentialité des modes de consommation des individus dans le contexte d'achat de biens et de services par le biais de l'inforoute. Il est très facile pour une entreprise faisant affaire sur les réseaux électroniques, de surveiller et d'étudier les modes d'achat des individus et de solliciter ces individus avec des offres très personnalisées.

Le gouvernement possède une quantité significative d'informations personnelles sur ses citoyens. Les mécanismes technologiques et légaux disponibles présentement sont-il en mesure d'assurer la sécurité et la confidentialité de ces informations? Le gouvernement est-il conscient de la responsabilité qu'il a en regard de ces informations? Nous sommes surpris que le comité n'ait pas recommandé au gouvernement que soient étudiées les mesures à prendre pour garantir la confidentialité des renseignements privés des individus.

Cyber@Québec croit qu'un code de déontologie s'appliquant à l'ensemble des inforoutes devrait être élaboré afin de protéger entre autres, les droits à la vie privée des utilisateurs ainsi que la confidentialité des renseignements personnels.

Le rapport exclut donc de façon expresse les thèmes les plus importants: la protection de la vie privée et de la propriété intellectuelle. Qu'en est-il de la culture si le thème de la propriété intellectuelle n'est pas étudié? Comment le gouvernement québécois propose-t-il de protéger les oeuvres qui seront accessibles sur l'inforoute?

1.3.5 Emploi.

Toute la question de l'emploi est mise de côté, alors que l'on sait très bien que cette problématique est une préoccupation majeure de notre société. Pourquoi le gouvernement du Québec n'a-t-il pas mandaté le comité consultatif pour réfléchir aux impacts d'un tel projet sur les perspectives d'emploi qui sont de plus en plus précaires. Nous aurions voulu connaître les opinions du comité en ce qui touche la démocratisation du processus d'emploi au Québec, des mécanismes de diffusion des emplois disponibles au Québec et les moyens permettant aux entreprises et aux travailleurs de se trouver dans un marché de l'emploi organisé et dynamique.

Nous pensons également que le gouvernement doit discuter ouvertement les impacts de la modernisation, notamment en terme de disparition d'emplois traditionnels et de recyclage. Nous croyons que le problème des disparitions d'emplois lié à la réingénierie de l'État doit être débattu franchement et ouvertement et non pas dissimulé à l'intérieur du dossier des inforoutes.

1.3.6 Développement industriel et promotion.

Le rapport est complètement muet quant au rôle stratégique que joueront les inforoutes dans une économie qui ne conna"t pas de frontières et ce, bien que le mandat du comité précise que l'une des quatre grandes orientations gouvernementales soit de "renforcer la compétitivité et les exportations du Québec". Les inforoutes sont en effet à la fois des sources d'informations stratégiques (appels d'offres, réglementation, statistiques, résultats de recherches industrielles, etc.) et des outils de promotion qui permettent de rejoindre à peu de frais des dizaines de millions de clients potentiels à travers le monde. Elles permettent entre autres aux PME d'avoir accès à des moyens autrefois réservés à de plus grandes entreprises.

Le gouvernement pourrait exprimer son leadership en la matière en diffusant de ses informations stratégiques et en identifiant les services d'informations étrangers les plus susceptibles d'aider les entreprises, et surtout les PME, dans leur quête de nouveaux marchés.

Par ailleurs, en donnant la priorité aux Ministères de l'Éducation et de la Santé pour la réalisation de réseaux, le comité limite la portée des retombées de ces projets à quelques grandes entreprises, toutes implantées à Montréal et à Québec. Et il est loin d'être acquis que l'expertise ainsi développée puisse être facilement exportable, les structures dans ces deux domaines étant fort différentes d'un pays à l'autre.

1.3.7 Commerce électronique.

Les initiatives de commerce électronique sur les réseaux comme Internet sont de plus en plus nombreuses depuis la disponibilité de mécanismes technologiques fiables pour l'exécution sécuritaires de transactions financières. Aux États-Unis, CommerceNet a déjà rassemblé plusieurs partenaires afin d'accélérer le développement de normes, de standards et de procédures pour la mise en place des infrastructures matérielles et logicielles devant permettre le commerce électronique.

Le comité aurait dû tenir compte de ces initiatives afin que soit clairement proposée une étude approfondie sur les possibilités du commerce électronique au Québec et les implications qui en découlent, particulièrement en ce qui concerne le droit des utilisateurs, des consommateurs et la compétitivité des entreprises québécoises.

Le commerce électronique apparaît comme une des applications clés des inforoutes, notamment en terme de financement. Rappelons qu'en 1994, alors que le World Wide Web démarrait à peine et qu'il n'y avait encore aucun système de sécurité pour les transactions électroniques, il s'est fait plus de 300 millions de dollars US de transactions sur Internet et que le volume de commerce électronique estimé d'ici 10 ans sur Internet sera de l'ordre de plusieurs centaines de milliards de dollars US. Tant aux États-Unis que dans les autres pays, de nombreux projets de standardisation de la sécurisation des paiements électroniques et de développements d'outils de cryptographie et de signature électronique sont en cours (CommerceNet, Terisa, Microsoft-Visa-Mastercard-Netscape, etc.). Il est surprenant que le comité soit resté totalement muet sur ce dossier aussi stratégique tant pour le financement et le développement des inforoutes au Québec que pour les compagnies et consommateurs de chez nous. De nombreuses questions stratégiques se posent à ce sujet. Notamment celles des taxations électroniques et du déménagement des comptoirs virtuels des entreprises dans des lieux où les politiques fiscales et bancaires sont plus avantageuses.

En n'abordant pas cette problématique, nous estimons que le comité a failli à son mandat qui incluait le renforcement de la compétitivité et des exportations du Québec.

1.3.8 Autres questions législatives.

En comprenant que l'inforoute est bidirectionnelle (ses contenus voyagent dans les deux sens) on comprend que l'on peut émettre mais qu'aussi, on peut recevoir de l'information. Comme nous le savons, Internet (entre autre) n'a pas de frontières ni de cadre législatif formel. Ainsi, toute la question de la loi applicable aux inforoutes du Québec doit être étudiée sérieusement afin de voir à la protection des citoyens et d'éviter par exemple, que les sollicitations non souhaitées ne viennent envahir leur espace cybernétique.

Section 2 - Commentaires sur le contenu du rapport

Thème 1 - Leadership positif du gouvernement.

Observation 1.1 - Absence de stratégie globale.

Tel que présenté, et malgré son titre, le rapport du comité n'est ni une stratégie, ni un plan de travail. Après la lecture du document, on ne sait toujours pas où commencer et où s'arrêter. La raison en est simple: les objectifs que visent le Québec et ses utilisateurs à travers les inforoutes ne sont pas définis. Le document ne présente aucune cible précise à atteindre. On y propose des recommandations générales et des moyens sans qu'aucune stratégie ne permette de les mettre en contexte, de les articuler et encore moins de les lier à un projet global intégré.

Observation 1.2 - Absence d'une mission collective.

À travers sa structure, le rapport semble s'intéresser aux grands axes de la société: éducation, santé et services sociaux, langue et culture. Ceci est tout à fait louable même si, selon nous, une société ne se résume pas à ces seuls aspects. Néanmoins, les moyens proposés doivent être coordonnés pour optimiser leurs impacts et éviter la redondance d'investissements et d'infrastructures. Pour cela, bien que touchant des sphères sociales distinctes, nous croyons qu'il est indispensable que ces différents projets soient raccrochés à une démarche commune à travers une structure de synchronisation. Or le rapport ne propose aucune structure de ce type, mis à part le Secrétariat à l'autoroute de l'information mis en place par monsieur Parizeau et dont le mandat est peu clair, notamment depuis que madame Louise Beaudoin s'est vue confier le dossier du contenu des inforoutes avec le Ministère de la Culture.

Observation 1.3 - Absence de volonté d'impliquer la population.

Alors que nous avons souligné plus haut l'absence d'implication de la population dans la réflexion menée jusqu'ici, le rapport ne recommande pas d'impliquer la population dans la réalisation des projets proposés. Tout au plus, il est recommandé d'éduquer la population et de l'informer des bienfaits des inforoutes.

Nous pensons que les implications sociétales des inforoutes et les coûts financiers et sociaux associés à ce projet nécessitent une pleine participation des citoyens tant à la définition du cadre des inforoutes qu'à la sélection et l'implantation des projets supportés par le gouvernement.

Thème 2 - Agir sur l'éducation, levier de développement de toute société.

Observation 2.1 - Le branchement des écoles, attention aux utopies.

Comme le rapport l'indique, l'éducation est un des domaines de la société qui sera le plus touché par les projets d'inforoute et qui pourrait en tirer beaucoup d'avantages.

Selon Cyber@Québec, la recommandation 3 (... chaque classe des écoles primaires et secondaires du Québec soit reliée d'ici trois ans ... au RISQ...) n'est viable que dans la mesure où la recommandation 4 (...que les technologies de l'information,... deviennent des outils d'enseignement et d'apprentissage d'utilisation courante dans tous les ordres d'enseignement et dans toutes les matières) soit réalisée au préalable.

Or, par expérience, nous savons que les réformes de l'éducation au Québec n'aboutissent à des résultats concrets seulement qu'après plusieurs années. Les probabilités que les changements exigés par la recommandation 4 s'inscrivent dans les moeurs éducatives du Québec d'ici 3 ans, sont très faibles, compte tenu de l'analphabétisation informatique de beaucoup d'enseignants, de la structure particulièrement complexe de ce secteur et du taux de technophobie des pays industrialisés (environ 26%). On peut donc craindre que le gouvernement ou les établissements d'enseignement soient équipés de micro-ordinateurs qui seraient désuets au moment où enfin arriveraient les réformes des différents programmes d'enseignement au primaire et au secondaire.

Considérant l'ampleur et la portée de la recommandation 3 et considérant également que sa réalisation impliquerait des investissements de plusieurs centaines de millions de dollars, Cyber@Québec s'inquiète du manque de réalisme et de la désynchronisation des recommandations du comité.

Nous pensons que confondre vitesse et précipitation peut, surtout dans un contexte aussi volontariste, conduire le Québec dans une mésaventure du même type que celle des ordinateurs ComTerm dans les années 80. La réforme de l'enseignement est souhaitable et souhaitée et nous pensons que les nouvelles technologies peuvent aider à sa mise en place. Elles ne peuvent cependant en aucun cas la précéder ou la supplanter. C'est pourquoi nous pensons que les consultations prévues doivent précéder l'application des recommandations et que celles-ci doivent être beaucoup plus réalistes.

Là encore, le rapport devrait avoir une approche plus stratégique que volontariste.

Observation 2.2 - Absence de prise en compte de la diversité des infrastructures existantes.

Le rapport propose de connecter toutes les écoles ainsi que les établissements de santé à un grand réseau québécois, le RISQ. Nous pensons qu'avant d'investir de fortes sommes dans des infrastructures, le gouvernement devrait faire le bilan des infrastructures existantes afin d'éviter de dépenser de fortes sommes à faire des réseaux redondants à ceux existants déjà (Bell Québec, Vidéotron, Radio-Québec, MIX, Hydro-Québec, etc.). Alors que de nombreux gouvernements et industries découvrent les bienfaits de l'inter-réseautage dont le plus bel exemple d'efficacité est l'Internet, le gouvernement du Québec ferait probablement une erreur en investissant dans un réseau centralisé et coûteux sans étudier des avenues alternatives.

Afin d'assurer l'accessibilité aux l'inforoutes partout au Québec, nous croyons que le gouvernement doit s'appuyer sur les réseaux existants, tant scientifiques que commerciaux, et sur leur développement planifié afin de bâtir des solutions adaptées au contexte spécifique de chacune des régions concernées.

Alors que la National Science Foundation aux États-Unis vient de fermer en mai dernier son réseau scientifique NSFNet, estimant que les chercheurs universitaires avaient mieux à faire que de gérer des réseaux de télécommunications largement disponibles auprès des fournisseurs, le Québec doit se demander s'il peut se payer une infrastructure purement scientifique et éducative redondante aux infrastructures de télécommunications existantes. Nous estimons que l'investissement dans le contenu et les applications est beaucoup plus stratégique tant pour la société québécoise que pour son économie.

Observation 2.3 - Besoins.

Voici une liste non exhaustive de besoins en matières d'éducation qui auraient dû inspirer le comité dans la recherche de solutions:

Thème 3 - L'autoroute de l'information dans la santé et les services sociaux.

Observation 3.1 - La santé: contrôler ou augmenter la qualité des services?.

À la lecture du rapport du comité, nous sommes en droit de nous poser la question suivante: "L'ordinateur et les inforoutes doivent-ils servir d'abord à améliorer les soins de la santé ou à les contrôler?"

Cette partie du rapport est surprenante par son architecture. Les enjeux et les problématiques soulevés sont juxtaposés aux recommandations et moyens proposés sans que de réels liens soient faits entre les deux. Notamment, les recommandations semblent basées sur des objectifs propres au lieu de tenir compte des objectifs déjà fixés par la réforme du système de santé. Dans un secteur névralgique où une réforme est en cours avec des objectifs déjà établis, le comité aurait pu faire la démonstration de son principal axiome, à savoir que les inforoutes aident à la réingénierie, en proposant des recommandations directement axées sur la réforme de la santé actuellement en cours.

Nous pensons que ce secteur est suffisamment bouleversé par la réforme pour ne pas être en même temps ciblé par des projets d'inforoutes qui n'y soient pas directement reliés.

Au lieu de cela, il est proposé de financer des projets de réingénierie dont les résultats n'ont pas encore pu être confirmés malgré les centaines de millions de dollars investis auparavant dans ce secteur. Déjà plusieurs montants significatifs ont été versés pour des projets technologiques dans le domaine de la santé. Avant d'y consentir de nouveaux financements, nous croyons qu'il est indispensable qu'une évaluation objective de ces projets et de leurs résultats soit conduite.

Dans ce domaine comme dans les autres, nous pensons que le gouvernement devrait plutôt s'inspirer des besoins des usagers pour sélectionner des solutions plutôt que de tenter d'imposer des visions de promoteurs technologiques.

Observation 3.2 - Le bon diagnostic.

Combien d'usagers du système de la santé ont été mal aiguillés suite à des diagnostics plus ou moins précis qui ont été établis en moyenne après cinq minutes de consultation avec un omnipraticien?

À la page 18 du rapport on peut lire: "L'autoroute de l'information... favorisant... l'élimination et la duplication d'actes inutiles...".

Dans ce sens et pour répondre à cet objectif, il faut davantage miser sur des outils d'aide au diagnostic que sur l'inforoute proprement dite. Si un meilleur diagnostic à l'entrée était établi, on pourrait économiser de façon significative sur la facture globale à long terme.

Cyber@Québec croit que le réseau de la santé réduirait sensiblement ses frais globaux en donnant aux omnipraticiens le temps ainsi que les outils technologiques leur permettant de poser des diagnostics précis et fiables. À titre d'exemple, le logiciel PKC d'aide au diagnostic de Larry Weed aux États-Unis obtient des résultats très encourageants. Ce genre d'outil permet à l'omnipraticien de manipuler près d'une centaine de variables aidant au diagnostic alors qu'un médecin expérimenté ne peut en manipuler qu'une dizaine.

On peut dès lors penser à des formes d'auto-diagnostic où l'usager pourrait lui-même utiliser un logiciel de diagnostic et s'aiguiller vers le bon noeud dans réseau de la santé. Ce type de service pourrait être utilisé à distance ou dans les centres de service du réseau à travers les inforoutes qui seront mise en place, mais doit être vu pour améliorer la relation patient-médecin plutôt que de la supprimer.

Observation 3.3 Confidentialité du dossier patient.

Une autre question critique que le comité aurait dû étudier, est celle du contrôle que l'État pourrait avoir sur l'information fournie par les citoyens lors de consultations avec les intervenants du réseau de la santé. Ceci soulève un débat similaire à celui soulevé par la carte à puce.

La relation médecin-patient et le secret professionnel sont des questions qui doivent également être discutées. Comme nous l'avons soulevé plus haut (section 1.3.4), la sécurité des données transmises sur les réseau est primordiale si nous voulons maintenir le standard et la qualité de vie dont bénéficient les Québécois au niveau de la protection de la vie privée.

Nous croyons qu'un débat large et ouvert doit avoir lieu sur les questions relatives à la protection des données personnelles et du droit à la vie privée des usagers. Dans ce sens, on peut suggérer qu'un protocole d'accès à l'information soit développé avec les différents intervenants concernés. Bien que cette problématique englobe les renseignements médicaux, elle devrait être traitée plus largement en y incluant toute autre forme de renseignements personnels.

Observation 3.4 Dimensions humaines.

Les besoins ainsi que la place de l'usager dans le système de santé ne semblent pas avoir été étudiés par les membres du comité.

Dans la recommandation 7, encore une fois, le comité demande à ce que "...la population du Québec soit informée et sensibilisée quant aux avantages de l'autoroute de l'information...". Nous estimons qu'elle doit être aussi informée des dangers et enjeux et qu'elle doit être, surtout, impliquée.

Qu'en est-il de la relation de confiance entre le patient et son médecin? Comment les consultations via un réseau numérique affecteront-ils la qualité des relations interpersonnelles? Y aura-t-il des retombées psychologiques?... sociales?... économiques?

Observation 3.5 - Besoins.

Voici une liste succincte de besoins en matières de santé qui auraient dû inspirer le comité:

Thème 4 - La langue française et la culture québécoise sur l'autoroute de l'information.

Observation 4.1 - L'identification des mauvais interlocuteurs.

L'absence de vision globale et de projet de société dans le rapport du comité ne nous semblent pas compatible avec sa volonté de "...mobiliser la créativité et le dynamisme de la société québécoise, tout particulièrement chez les jeunes.". D'autant plus que nous ne pouvons être qu'inquiets lorsque le comité se repose sur les transporteurs (COGECO, Vidéotron-UBI, Bell-Médialinx, etc.) pour développer des contenus alors qu'ils ne sont ni bien placés ni motivés pour le faire. Nous pensons au contraire que ces transporteurs sont tout à fait capables de s'occuper de leur partie, les infrastructures, sans intervention gouvernementale, laquelle devrait se concentrer sur le contenu qui dépendra beaucoup plus des créateurs et des entreprises de l'information que de celles des câbles et des matériels.

Nous sommes d'accord avec le rapport pour que le gouvernement du Québec mette l'accent sur le développement de contenus en français sur les inforoutes. Néanmoins, ceci ne pourra résulter de l'approche centralisatrice et volontariste proposée par le comité et, encore moins, des normes qui, au rythme où vont les choses dans ce domaine, seront dépassées avant même d'avoir été approuvées, comme ne manquent pas de le souligner de nombreux auteurs comme Alvin Toffler et Negroponte.

Là encore, l'absence d'objectifs précis, que les voeux pieux ne peuvent supplanter, empêche d'élaborer une stratégie solide dans un domaine aussi névralgique. Contrairement au comité, nous ne pensons pas que les enjeux de la langue et de la culture puissent réellement être mis entre les mains des "...des entreprises de télécommunications et de cablôdistribution...", ni reposer sur "...la normalisation des interfaces".

Selon nous, les artistes, leur public ainsi que les intervenants de l'industrie culturelle devraient participer aux décisions qui engageront l'avenir culturel du Québec, son rayonnement et celui de la francophonie.

Observation 4.2 - Le défi du droit d'auteur et des inforoutes.

Il est surprenant que le rapport n'aborde aucune des questions de société qui sont au coeur de ce débat. Ces questions incluent la notion de confidentialité, de protection de la vie privée, de censure et, surtout, de droits d'auteurs. À ce niveau tout ce que nous propose le comité, c'est de suivre attentivement les réflexions du gouvernement fédéral et des pays étrangers. Il nous semble que le Québec est capable de mener sa propre réflexion, tout en l'alimentant et en la confrontant avec celles des autres gouvernements. Il en a les moyens et le devoir vis-à-vis de sa population, de ses artistes et de l'industrie culturelle.

Le patrimoine culturel québécois a pour source ses artistes. Bien que la législation touchant la propriété intellectuelle soit de juridiction fédérale, il faut protéger les oeuvres québécoises et ceux qui contribuent à la création d'un tel patrimoine. Comment sera réglée cette question dans le cadre des nouveaux médiums: ceux des inforoutes et du multimédia? Une réflexion s'impose sur les questions de la tarification des oeuvres multimédia, de la protection accordée aux oeuvres et aux auteurs et des royautés qui devraient être versées aux créateurs. Le rapport Berlinguet ne s'intéresse qu'à la question de la diffusion de la culture québécoise sans pour autant tenter de répondre aux questions importantes pour les artistes.

Observation 4.3 - Rendre accessible le patrimoine culturel.

Nous ne pouvons qu'être en accord avec la recommandation 14 du comité "... rendre accessible sur les autoroutes de l'information le patrimoine culturel...". Néanmoins si l'on parle de mettre les institutions en réseau, le comité ne semble pas s'être posé de questions à savoir qui va accéder à ces oeuvres, avec quelle technologie et surtout à quelle vitesse d'accès. De la même façon, il est inquiétant que le comité propose de "...lancer une opération urgente de "numérisation"... des principales oeuvres..." sans s'interroger sur les nombreuses questions fondamentales que pose cette démarche.

Nous croyons que contrairement à la recommandation 15 (... faire connaître et valoriser les caractéristiques propres, les attraits touristiques et les particularités culturelles de chacune des régions du Québec), la conjonction des inforoutes, du multimédia et du patrimoine culturel et artistique québécois peuvent servir davantage qu'à la promotion touristique.

Observation 4.4 - Besoins.

Voici une liste succincte de besoins en matières de culture qui auraient dû inspirer le comité:

Thème 5 - L'accès à l'autoroute de l'information pour tous et partout.

Observation 5.1 - Capacité des infrastructures.

Le comité met en avant l'accroissement de la capacité de transport des réseaux en cours de développement, notamment le RISQ, sans tenir compte de la capacité de transport du lien auquel accédera l'abonné. Il n'est pas très utile d'avoir de gros viaducs si les robinets ne laissent passer qu'un mince filet d'eau. Là encore, un manque de vision globale par rapport aux problèmes d'infrastructures et d'accessibilité technique amène le comité à faire des constats et des analyses pour le moins discutables. Par exemple, le constat fait par le comité dans l'étude de la problématique : "L'isolement des régions en matière d'inforoute est en train de devenir chose du passé, du moins pour la majorité d'entre elles." est en contradiction avec les moyens et recommandations présentés dans les chapitres précédents (voir page section 2.3 du rapport: "...Il est donc nécessaire d'étendre les infrastructures dans toutes les régions du Québec..." ) pour la mise en place d'infrastructure régionales.

Observation 5.2 - Points d'accès publics.

Le comité demande aux municipalités de se lancer dans une approche aussi volontariste que le gouvernement en devenant un utilisateur modèle et en les incitant fortement à relier les bibliothèques. Il nous semble que le comité aurait pu tout au moins consulter les municipalités sur leur situation technologique, leurs besoins en inforoute et leur vision.

Cette absence de consultation amène le rapport à lister en vrac toute une série de points d'accès pour le public (fournisseurs privés, bibliothèques, libertels, etc.) sans qu'il y ait d'évaluation des besoins réels de la population ni de lien entre ces différentes offres.

Il est inquiétant de constater que sur le dossier de l'universalité d'accès, le comité n'ait pas jugé bon de faire plus d'une recommandation.

Enfin, il est surprenant que Télé-Québec, la principale structure de communication québécoise ne soit regardée uniquement comme un moyen parmi d'autres pour éduquer le public aux inforoutes et que le rôle qu'elle pourrait jouer également au niveau des contenus ne soit pas examiné.

Observation 5.3 - Universalité.

Tout en favorisant la création des libertels dans les régions, le gouvernement ne doit pas croire que toute la problématique de l'universalité d'accès sera résolue par cette seule initiative. La question de l'accès universel est beaucoup plus complexe.

Observation 5.4 - Besoins.

La notion d'accessibilité aurait dû être traitée de manière plus englobante et plus précise. Par conséquent, le rapport du comité aurait dû distinguer les besoins d'accessibilité selon:

Thème 6 - Financement.

Observation 6.1 Le leurre de la réingénierie.

Le comité pose comme prémisse de base que la réingénierie des processus gouvernementaux dégagera rapidement les moyens nécessaires pour financer les inforoutes. Lorsqu'on parle de réingénierie, on fait souvent allusion à un mécanisme d'assainissement draconien des processus de travail, qui habituellement implique des mises à pied importantes et une augmentation des responsabilités pour les employés faisant partie du processus révisé. Cette démarche est habituellement liée à une forte automatisation des procédés.

Or, tout nous oblige à constater que cette hypothèse largement mise de l'avant par les groupes-conseil et certains centres de recherche, est loin d'être démontrée. Au contraire, les principales données sur ce sujet invitent à une grande prudence. Une étude menée à travers le Québec par un collectif d'intervenants représentatifs et dirigée par le CEFRIO sur les potentiels de la réingénierie fait la preuve que si le concept est très attirant, la réalisation des bénéfices n'est pas vraiment à portée de main. Enfin, monsieur Clinton qui s'était fait le grand apôtre du financement des inforoutes par les économies liées à réingénierie des processus gouvernementaux a été obligé de constater que les économies ne sont pas là et se retrouve obligé d'identifier d'autres modes de financement. Il serait dangereux pour le Québec, notamment au niveau financier, d'investir des sommes importantes dans la réingénierie sur la simple motivation d'économies illusoires qui nous permettraient de financer largement les centaines de millions de dollars de dépenses suggérées par le rapport.

D'autre part, la réingénierie des processus dans une organisation est une activité très dispendieuse tant au niveau social que financier et qui prend plusieurs années à se mettre en place. Or, le contexte des inforoutes ne permet pas au Québec d'attendre toutes ces années pour régler le problème du financement de sa stratégie dans le domaine.

Enfin, le comité propose de se reposer sur la compétence acquise par le secteur privé dans ce domaine. Or, il n'y a eu que très peu de projets de réelle réingénierie des processus d'affaires dans de grandes organisations au Québec. Et encore, ces projets n'ont pas encore donnés de résultats probants à terme. En conséquence, nous estimons que le gouvernement, au lieu de se bercer de fausses illusions, doit se poser la question du financement dans un contexte beaucoup plus conscient et réaliste de ses capacités réelles de financement.

Quant à la possibilité de financement à travers la revente d'information gouvernementale, nous aimerions rappeler au comité que le gouvernement ne peut pas revendre directement ou indirectement des informations fournies et financées par la population.

Les questions que le gouvernement devrait se poser sont les suivantes:

À notre avis, le nombre de VRAIS projets d'envergure en réingénierie qui ont réussit au Québec se compte sur les seuls doigts d'une main.

Observation 6.2 Les vraies questions du financement.

Le comité semble surtout s'être attardé à identifier des fonds disponibles pour dégager des budgets, quitte à pelleter une partie des coûts dans les ministères et les municipalités. À aucun moment, le rapport ne pose la question des choix, comme si le Québec de 1995 avait encore les moyens financiers des années 70 de dépenser sans limite. Le gouvernement devra notamment décider s'il préfère financer des projets industriels ou sociaux, financer des contenus québécois pour la population d'ici et l'exportation ou des infrastructures qui seront utilisées par les autres pays pour nous vendre leur contenu et leur culture. Ces questions ne sont pas des choix comptables, mais des choix de société.

À la page 43 du rapport le comité dit: "Le gouvernement devrait développer des indicateurs permettant d'évaluer la rentabilité des investissements "sociaux". Un tel effort de mesure permettrait de justifier plus facilement aux yeux de la population les investissements consentis." À notre avis, cela n'est pas suffisant. Nous sommes d'accord pour que soit mesurée précisément la rentabilité des investissements, mais, nous croyons qu'il faudra également mesurer aussi précisément les coûts sociaux de ces transformations.

Alors qu'à travers ses diverses recommandations, le comité entraîne le gouvernement vers des dépenses de plusieurs centaines de millions de dollars (matériel, logiciel et coûts de connexion pour brancher les écoles, mise en place d'un grand réseau pan-québécois à haute vitesse par l'extension du RISQ, matériel, logiciel et coûts de connexion pour toutes les bibliothèques, développement de libertels dans les régions éloignées, matériel, logiciel et coûts de connexion pour que le gouvernement et les municipalités deviennent des "usagers modèles" des inforoutes, mise en place de programmes de formation pour les professeurs et d'éducation pour le public, etc.), les recommandations proposées par le comité sont bien en-dessous des enjeux. Il ne suffira pas de dire au Ministère de l'éducation d'équiper les écoles tout en respectant son enveloppe fermée pour régler le problème de la connexion des classes... à moins que l'on mette le personnel au chômage durant quelques mois. Il ne suffit pas de dire aux municipalités de compléter le 6 millions de dollars que le gouvernement investira pour brancher les 900 bibliothèques aux inforoutes à grande vitesse pour que ces municipalités découvrent les moyens de le faire. Sans parler du réseau de la santé qui a du faire des choix draconiens pour supporter ses restrictions budgétaires et qui ne pourra compresser encore ses dépenses pour dégager les montants nécessaires à l'application des recommandations du comité.

Enfin, l'utilisation intégrale du Fond de Suppléance ne suffira pas à financer tous ces projets et privera le gouvernement d'une enveloppe de près d'un quart de milliards de dollars que la population pourrait préférer voir utilisée à d'autres fins, ne serait-ce que pour réduire le déficit.

Nous pensons que la question du financement des inforoutes est avant tout politique. Le gouvernement doit décider s'il financera l'industrie ou le social, s'il financera l'utilisation ou les tuyaux. Le rapport du comité ne lui est malheureusement d'aucune utilité pour trancher ces questions cruciales.

Observation 6.3 - Le rôle du privé.

Le comité recommande en 19 "Que le secteur privé amène sa contribution de diverses façons afin de brancher l'ensemble des écoles et des bibliothèques municipales à l'autoroute de l'information.". Nous pensons que les voeux pieux ne serviront pas à modifier le contexte économique et politique dans lequel nous vivons et que l'industrie privée ne fera pas de tels cadeaux sociaux sans contrepartie.

Il convient donc, selon nous, de concentrer les fonds gouvernementaux dans les projets à forte retombée sociale et de laisser au privé le soin de financer les projets de type industriel (projets de recherche appliquée et projets commerciaux). Par exemple, les centaines de millions de dollars dépensés dans des projets industriels ces dernières années, notamment par le biais du Fond de développement technologique et des autres programmes de financement de mégaprojets, ont eu suffisamment peu de retombées économiques et sociales pour que l'on regrette de ne pas avoir conservé ces fonds pour brancher les écoles. La meilleure façon de ne pas répéter un échec étant de ne pas refaire la même erreur, nous pensons que la question du financement doit être attentivement étudiée et discutée avec l'ensemble de la population et non pas juste avec les industriels et les scientifiques.

Section 3 - Recommandations

Cyber@Québec croit fermement que les projet d'inforoutes peuvent être pertinents pour le développement de la société québécoise. Mais comme tout projet d'ordre social, il est impératif qu'avant de les déployer, des consultations appropriées aient été tenues. À ce chapitre, nous croyons qu'il y a lieu de définir plus précisément les besoins du Québec en matière d'inforoute pour chacun des grands thèmes présentés dans le rapport ainsi que pour ceux qu'il n'a pas abordés.

Pour réaliser cet exercice, nous recommandons au gouvernement du Québec que soient tenus le plus tôt possible, des états généraux sur les inforoutes au Québec.

Ces états généraux auraient l'avantage de prendre le pouls du Québec et serviraient ultimement à préciser la portée de ce projet ambitieux en tenant compte des VRAIS besoins de la société québécoise.

Largement ouverts et accessibles, ces états généraux permettraient à la société québécoise et à ses différentes composantes, de faire les choix de société qui s'imposent, de définir ses objectifs et de se donner la stratégie et les moyens pour les atteindre.

Précisons que nous voudrions voir apparaître dans ces états généraux, des tables spécifiques notamment pour les aspects relatifs à la santé, aux services sociaux, à l'éducation, aux droits des utilisateurs, à la culture, à l'infrastructure technologique, au financement, à l'évolution de cette inforoute, à la sécurité, à la langue d'usage, à l'emploi, à la formation, à la recherche, au commerce électronique, à la sécurité, etc.

Sans un travail de fond dans chacune de ces sphères, Cyber@Québec croit qu'il est impossible pour le gouvernement du Québec d'articuler un projet d'une telle envergure avec la précision voulue.

Annexes

Annexe A - Présentation de Cyber@Québec.

La prospérité des nations et de leurs individus dépend de leur capacité à naviguer efficacement sur l'espace du savoir. Pour faire du Québec une nation unie, économiquement viable et socialement équilibrée, Cyber@Québec croit qu'il faille valoriser et mobiliser nos intelligences et nos compétences et favoriser leur distribution en tirant profit des meilleurs outils, qu'ils soient de nature technologique ou autre.

Les mécanismes pouvant aider au développement de l'espace cybernétique sont ceux encourageant le développement d'un lien social par l'apprentissage et l'échange du savoir, en permettant des agencements de communication aptes à écouter, à intégrer et à restituer la diversité plutôt que ceux reproduisant la diffusion médiatique traditionnelle. Ces mécanismes doivent viser l'émergence d'êtres autonomes et permettre de valoriser, au bénéfice du plus grand nombre, le capital des compétences.

Mission.

Alimenter de façon permanente une réflexion ouverte sur les enjeux sociaux relatifs à l'émergence des nouveaux modes de communications reliés aux technologies de l'information et particulièrement aux inforoutes.

Objectifs.

Recueillir, analyser, synthétiser et structurer l'information pertinente pour la rendre facilement accessible à la collectivité québécoise;

Diffuser l'information et les positions du groupe à travers différents canaux dont: les libertels, les bulletins électroniques sous toutes leurs formes, les médias, les gouvernements, les entreprises et les associations;

Devenir une plate-forme de ralliement pour tout groupe de réflexion ou d'intervention préoccupé par des questions touchant, de près ou de loin, les problématiques des technologies de l'information dans les secteurs particuliers de la société québécoise;

Devenir un centre de référence reconnu au Québec, au Canada et ailleurs, en ce qui concerne l'application des technologies de l'information sur le milieu social et en particulier, celles relatives à l'autoroute de l'information.

L'organisation.

Fondée en 1994 par un regroupement de citoyens concernés, Cyber@Québec est une organisation québécoise sans but lucratif.

Ce regroupement de bénévoles agit dans l'intérêt des citoyens québécois et des utilisateurs d'inforoutes relativement à l'introduction des nouvelles technologies de l'information et de leurs impacts sur la société québécoise.

En citoyens concernés, les membres de Cyber@Québec travaillent à diriger l'attention publique du Québec vers les enjeux critiques reliés à l'application des technologies de l'information afin que tous soient en mesure de comprendre les impacts de ces décisions sur notre société.

L'organisation veille à ce qu'aucun point de vue, aussi minoritaire soit-il, ne soit exclu des débats dès lors qu'il respecte les libertés fondamentales telles que reconnues dans notre société.

Cyber@Québec :

Le groupe travaille en collaboration avec d'autres associations qui ont sensiblement les mêmes objectifs.

Nos collaborateurs, hommes et femmes, proviennent de tous les milieux de notre société et notre groupe ne pratique aucune discrimination.

Bien que les membres collaborateurs aient leur identité propre, lorsqu'ils travaillent dans le cadre des projets de Cyber@Québec, ils représentent la collectivité.

Dans cet esprit, Cyber@Québec prône l'égalité et la libre expression entre les individus.

Principes fondamentaux.

Selon Cyber@Québec , les principes fondamentaux suivants (sans être exhaustifs) devraient gouverner la mise en place d'une inforoute au Québec:

Coordonnées.

Cyber@Québec
2039 Saint-Hubert
Montréal (Québec)
H2L 3Z6
Tél. (514) 522-6575
Courrier électronique: martin@bahn.com

Annexe B - Stratégies d'inforoutes nationales et internationales.

  • Stratégie 2000, Un plan de développement pour l'informatique et les télécommunications du Québec à l'aube de l'an 2000, Michel Cartier et al., RVTI, Montréal, janvier 1992.

  • CANARIE (Business Plan) - The Canadian Network for the Advancement of Research, Industry and Education, Canarie Associates, Ottawa, décembre 1992.

  • ACCESS Canada, Common Information Systems and Services Infrastructure for The Federal Government, John M.C. Davis, Marchés publics et services gouvernementaux Canada, Ottawa, novembre 1993.

  • Une vision des enjeux liés aux NTIC, Manifeste de l'Arche (collectif), Éditeurs de l'Arche, Paris 1993.

  • CANARIE, le réseau canadien pour l'Avancement de la recherche, de l'industrie et de l'enseignement, Équipe Canarie, Conférences, Industrie Canada, Ottawa, février 1994.

  • Plan directeur pour le renouvellement des services gouvernementaux à l'aide des technologies de l'information, J.A. MacDonald et I.D. Clark, Conseil du Trésor du Canada, Ottawa, février 1994.

  • La super-autoroute de l'infromation : un défi pour l'Afrique, Garceau Louis G., Conférence, Université Senghor, Alexandrie, février 1994.

  • L'inforoute canadienne de l'information, Une nouvelle infrastructure de l'information et des communications au Canada, Secteur du spectre, des technologies de l'informations et des télécoms, Industrie Canada, Ottawa, avril 1994.

  • Europe and the Global Information Society (Rapport Bangemann), CEE, Bruxelles, mai 1994.

  • Cyberspace and the American Dream, A Magna Carta for the Knowledge Age (collectif), Washington, août 1994.

  • The Information Highway, What Canadian Think about the Information HighWay, Andersen Consulting, Ottawa, 1994.

  • Les autoroutes de l'information (Rapport Théry), Gérard Théry, La documentation française, Paris, 1994.

  • Autoroutes de l'information, AFEE, GESTE, GFII (collectif), Paris, 1994.

  • Rapport du G7, Bruxelles, février 1995.

  • Les nouvelles techniques d'information et de communication : l'homme cybernétique ?, Frnack Sérusclat, sénateur, Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, assemblée nationale et sénat, Paris, mars 1995.

  • Autoroutes électroniques et téléports, Marie-France Blanquet, ESF, Paris, 1995.

  • L'intelligence collective: Pour une anthologie du cyberspace, Pierre Levy, Paris 1994.

    ASIE

  • Building the Intelligent Island, J. Motiwalla, M. Yap, L.H. Ngoh., IEEE Communication Magazine, V 31 n. 10, October 1993, pp 28-34.

  • A Vision of an Intelligent Island, National Computer Board of Singapore, The IT2000 Report, March 1992.

  • Big Fiber-Optic Project Is Private Sector's Job, Japan's Reformers Say, The Wall Street Journal , 15 août 1994.

    ÉTATS-UNIS

  • The Global Information Infrastructure, Al Gore (discours), International Telecommunications Union, Buenos Aires, mars 1994.

  • Educating the Next Generation of Information Specialists, A frame work for Academic Program in Informatics, Task Force report (collectif), National Science Foundation, Univsersity of Southwestern Louisiana, Lafayette, 1994.

  • Technology for America's Economic Growth: A New Direction to Build Economic Strength, Président Wiliam J. Clinton, Vice Président Albert Gore Jr., États-Unis February 22, 1993.

  • Perspectives on the National Information Infrastructure: CSPP's Vision and recommendations for action, Computer Systems Policy Project, January 12, 1993.

  • Infrastructure for the Global Village, Scientific American, Albert Gore Jr., September 1991, V 265 N 3 pp150-153.

  • The National Information Infrastructure Agenda for Action, Information Infrastructure Task Force, September 15, 1993.

  • National Information Infrastructure, Industry and Government Roles, Information Technologiy Association of America, July 1993.

  • A National Information Network : Changing our lifes in the 21 Century: Institute for Information Studies, Aspen Institute, Queenstown, Maryland, 1992.

  • Information Technology and Information Infrastructure: Empowering Technology, Implenting a U.S. Strategy, Brian Kahin, L.M. Branscomb, ed, MIT Press, Cambridge, MA, 1993.

    Annexe C - Projets internationaux d'inforoute.

    États-Unis

    Dès son arrivée au pouvoir, l'Administration CLINTON a lancé un vaste programme fédéral de développement de réseaux, le National Information Infrastructure. Ce programme dont le financement sera en grande partie assuré par le prélèvement d'une part significative de 80 milliards de dollars du "Rebuild America Fund" vise la création dans dix à quinze ans d'une autoroute électronique à laquelle seront reliés l'ensemble des réseaux d'ordinateurs et l'ensemble des citoyens américains.

    Pour atteindre cet objectif, les États-Unis devront multiplier par mille la puissance des réseaux électroniques existants, ce qui conduira au remplacement de millions de kilomètres de câbles et de fils torsadés par des réseaux de fibre optique.

    Le Vice-président AL GORE soutient de manière convaincante que ce réseau jouera un rôle important dans la compétivité du pays. Lors de la conférence qu'il a tenu le 11 janvier 1994 AL GORE déclarait "Je vous lance le défi : qu'en l'an 2000 vous ayez branché toutes nos classes, toutes nos bibliothèques, nos hôpitaux et nos cliniques "

    La réponse des industriels ne s'est pas faite attendre. Depuis un an plusieurs milliards de dollars ont été investis dans la fibre optique, les logiciels de contrôle, les ordinateurs et les études interactives multimédias par tous les opérateurs des télécommunications américains en prévision du National Information Infrastructure (NII).

    "Super Information Highway" n'est pas sans rappeler, dans sa conception, le grand programme mobilisateur américain IDS des années 1980 (Initiative de Défense Stratégique), qui avait contribué à déstabiliser l'économie de l'URSS. Il n'est donc pas exagéré de penser, qu'inspiré par les succès du programme de John Fitzgerald KENNEDY et de la "guerre des étoiles" de Ronald REAGAN, Bill CLINTON cherche aujourd'hui à essouffler l'économie japonaise et à reconquérir le leadership dans le domaine informatique.

    Allemagne

    Deutsche Telekom a présenté en janvier 1994 un projet de "super autoroute de l'information" baptisé TEL (Trans Europ Line). Ce projet, dont les modalités de financement ne sont pas connues, vise à relier le réseau des télécommunications allemand à ceux d'Europe centrale et orientale, en positionnant Francfort comme plaque tournante des télécommunications vers l'Europe de l'Est.

    France

    En France, pays très marqué par l'expérience télématique du Minitel (plus de 6 millions de personnes connectées), de nombreux projets de réseaux sont également en cours de réalisation. Certes, l'actuel Minitel offre une vitesse de transmission peu élevée et ne permet pas de développer une stratégie associant texte, son et image. Ces possibilités pourraient cependant être développées à partir des infrastructures téléphoniques très modernes dont s'est doté ce pays au cours dernières années. France Télécom développe un projet de Télétel Vitesse Rapide (TVR) dans lequel les échanges de données se feront 50 fois plus rapidement qu'avec le Minitel.

    Union Européenne

    Au delà des diverses initiatives nationales, près de 3.5 milliards de dollars ont été investi dans des projets destinés à améliorer l'infrastructure des télécommunications européennes ( RACE, DELTA, AIM, IDA). La Commission des Communautés (DG XIII) a lancé en septembre 1993 le programme de réseau européen à haut débit, BETEL (Broadband Exchange over Transeuropean Link), portant sur le transfert d'image à haute définition, l'accès interactif à distance, les bases d'images vidéo et l'interconnexion de différent réseaux locaux.

    Japon

    Désireux de répondre à l'annonce américaine, le Japon, par l'intermédiaire de l'Agence des Sciences et Techniques du Premier Ministre, a proposé la mise en oeuvre d'un réseau à grande vitesse reliant entre eux ministères. organismes de recherche, laboratoires et instituts universitaires. (Inter-Agency Information Network). Cette première étape relativement modeste doit être suivi par un ambitieux programme de câblage de fibre optique confié au secteur privé, étalé sur 10 ans et représentant un investissement projeté de 750 milliards de dollars.

    Singapour

    La cité-état de Singapour à d'ors et déjà atteint un stade de développement très avancé. Son programme baptisé "Intelligent Island" fait figure de précurseur. L'initiative de Singapour avait fortement inspiré l'article de Al Gore publié en 1991 dans l'hebdomadaire Scientific American.

    Annexe D - Autres références bibliographiques.

    Cette bibliographie est un extrait regroupant, selon nous, les principales publications touchant aux politiques, idéologies et stratégies nationales et continentales des inforoutes. Plusieurs centaines de documents pertinents ont déjà été publiés sur ce sujet et toutes ces dimensions, ils doivent, à notre vis, servir à éclairer toute réflexion sur le sujet.

  • Agenda d'action pour la mise en place du N.I.I. de l'administration Clinton-Gore (31 pages)
  • Lancement d'un projet fédéral américain sur la Gestion Électronique de Documents , Digital Library Initiative, FY 1994. Texte de la proposition (7 pages)
  • NSF Blue Ribbon Panel on High Performance Computing, Etude préliminaire ayant jeté les bases du HPCC (76 pages)
  • The HPCC FY94 Blue Book (Plan budgétaire)
  • Hearings Testimony at Congressional, 5 aout 1993, Dr Donald A.B. Lindberg Directeur : National Library of Medecine IITA-HPCC, Senate Commitee on Commerce Science and Transportation, Subcommitee on Science Technology and Space.
  • NII Security Issue Forum, 18 février 1994, Liste des principaux participants au forum sur la sécurité, Minutes de la réunion (17 pages)
  • Annonce d'un nouveau programme de subvention administré pas le National, Telecommunication and Information Administration (NTIA) (6 pages)
  • Health Information Infrastructure Program, publié le 3 février 1994, Appel d'offres de l'ARPA (Advanced Research Project Agency) en traitements de l'information médicale. (5 pages)
  • High Performance Computing and Communications : towars a National Information, Infrastructure 1994 (rapport) (18 pages)
  • National Challenges 1994 : la NSF lance un appel à soumission de projets de recherche dans le cadre du composant IITA (Information Infrastructure Technology and Applications) du programme HPCC. NSF 94-61 National Challenge Groups, publié le 8 avril 1994 ( 5 pages)
  • Présentation au Congrès américain du programme HPCC ARPA 1995
  • John C. Toole, Acting Director, Computing Systems Technology Office, Advanced Research Projects Agency, before The Subcommittee on Science, House Committee on Science, Space, And Technology, May 10, 1994.
  • Présentation du programme NASA HPCC 1995.
  • Statement of Mr. Lee B. Holcomb, Director, High Performance Computing and Commnications, National Aeronautics And Space Administration before the Subcommittee on Science, House Committee on Science, Space and Technology, House of Representatives, May 10, 1994.

    Législation américaine

    Travaux du Congrès américain

    Voir les annexes A et B pour plus de détails sur les projets nationaux et internationaux d'inforoute.


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