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Village global ou overdose d'information?
Modems sans frontières


par Carlos Soldevila

Sarajevo détruite La télévision et la presse écrite du monde entier nous bombardent quotidiennement de nouvelles et d'images des hostilités en ex-Yougoslavie.
Informés mieux que jamais sur ce conflit, les gouvernements occidentaux devraient être poussés à agir. Pourtant, la guerre s'enlise et les politiciens tardent à sortir de leur torpeur.
Internet peut-il remédier à cette situation? Assiste-t-on enfin à la cristallisation du « village global » prophétisée par Marshall McLuhan? Ou le Net ne fait-il que participer à une overdose d'information?

Ayhan Irfanoglu, Ahmet Kirac et Zehra Cataltepe sont étudiants à l'Université Caltech en Californie. Tous trois d'origine turque, ils ont créé la Bosnia Homepage en décembre dernier. En plus d'exposer des photos percutantes, leur site Web donne un historique du conflit, les noms des suspects et des criminels de guerre, une liste des organisations d'aide à la Bosnie ainsi qu'une mise à jour fréquente de l'actualité.

Enfant abattu à Sarajevo Horrifiés par le conflit , ils ont décidé de créer Bosnia Homepage alors qu'ils ne trouvaient rien sur le sujet sur le Web. « Nous voulons informer les gens sur ce qui se passe vraiment là-bas et les aider à comprendre tant la logique des agresseurs que l'inaction du reste du monde, dit Ahmet. Notre espoir, c'est de voir un jour la fin de cette tragédie inhumaine. »

« Internet est un outil fantastique pour la communication et l'expression des idées », indique Ayhan. Et il croit sincèrement que « s'il ne tombe pas sous le contrôle des gouvernements et des puissances industrielles, le Net peut aider à amener la paix ».

La morgue de Sarajevo Mais pour Zehra Cataltepe, qui s'est chargé de contacter de nombreuses organisations d'aide à la Bosnie par le biais d'Internet, le « village global » n'est pas pour demain : « Seulement une petite fraction de la population mondiale a accès à Internet. Le réseau permet d'être mieux informé sur le conflit, mais il n'a aucun impact sur les politiques des gouvernements. »

En Hollande, Frank Tiggelaar a créé, en six langues (en français aussi!), les pages Web les mieux documentées sur le conflit.
Il tranche catégoriquement sur la question du village global : « Internet, amener la paix? », demande-t-il avec ironie. « Jamais de la vie. »
« Le village global? », reprend-il avec sarcasme.« Pas tant que 80 % des utilisateurs d'Internet ne seront que des mâles blancs âgés entre 20 et 40 ans avec un niveau de scolarité élevé et des salaires correspondants. Voyez-vous, ces gens ne représentent qu'un maigre 8 % de la population mondiale. »

Élès autour du laptop d'un journaliste, à
Sarajevo En France, Michel Cartereau participe depuis environ 18 mois aux activités du groupe parisien du réseau européen « Étudiants pour Sarajevo ».
Ce groupe organise des actions de solidarité avec les universitaires de Bosnie-Herzégovine et de soutien au réseau ZaMir. Son association a participé, avec Modems sans frontières, à la récolte de modems et de matériel informatique pour aider les Bosniaques à se brancher sur le Net.
Il a aussi contribué à la mise sur pied du serveur Web de ZaMir et de Sarajevo Online, une opération du regroupement de quotidiens World Media qui a permis à des journalistes de se brancher sur le satellite Inmarsat avec leur ordinateur portatif depuis Sarajevo. Ces internautes high-tech s'installaient dans des cafés et offraient l'occasion aux Bosniaques de lancer des messages sur le Net!

Mais est-ce que l'étalement de tout ce matériel informatique a eu un impact véritable?
« La presse parisienne a fait écho de nos travaux, surtout Libération, qui participait à l'événement, poursuit Cartereau. Cette opération a permis de faire connaître le réseau ZaMir, ce qui n'était pas superflu. » « Internet ne fera pas taire les armes, dit-il, mais c'est un outil qui peut faciliter le travail des groupes oeuvrant pour une paix juste et durable en ex-Yougoslavie. »


Cet article est en ligne depuis le 22 octobre 1995

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