- A c t u a l i t é s
Le réseau ZaMir
Six serveurs pour la paix
par Carlos Soldevila
Le ZaMir Transnational Network a été mis sur pied dès les premiers mois de la guerre, en juillet 1992.
Dans le but de permettre une solution pacifique au conflit en facilitant le dialogue au sein des différentes communautés de l'ex-Yougoslavie, des serveurs ont été installés dans six villes :
- À
Belgrade, capitale de ce qui reste de la Yougoslavie;
- À Sarajevo,
capitale de la Bosnie-Herzégovine;
- À Zagreb,
capitale de la Croatie;
- À Tuzla,
ville du nord-est de la Bosnie;
- À Ljubljana,
capitale de la Slovénie, et
- à Pristina,
capitale du territoire du Kosovo.
ZaMir signifie, en serbe et en croate, « pour la paix
».
Joint à Zagreb, le responsable de ZaMir, Eric Bachman, concède que, sur le terrain, Internet n'a pas influencé les forces belligérantes : « Cependant, dit-il, ZaMir a été essentiel pour la coordination des camps de travail internationaux venant en aide aux réfugiés, à la reconstruction de la société civile et des édifices endommagés par la guerre. Il a aussi permis aux organisations de
défense des droits humains d'échanger de l'information et de
dénoncer certaines violations de ces droits. »
Là où le courrier faisait défaut, là où
le téléphone était manquant ou extrêmement cher,
ZaMir s'est installé en offrant gratuitement à
la population un service de courrier électronique. Pour
Bachman, il n'y a pas de doute : Internet permet la réunification de ces peuples déchirés par la guerre. La Yougoslavie est-elle alors devenue un pays virtuel? « La Yougoslavie n'existe plus, réplique Bachman, pas même virtuellement. »
Installer un réseau télématique dans un pays en guerre
comporte des risques évidents. D'origine américaine, Eric
Bachman vit actuellement en Allemagne. Il voyage régulièrement
dans les pays de l'ex-Yougoslavie pour assurer, non sans
difficultés, le fonctionnement de ZaMir. « Dans
une région en guerre, le danger est omniprésent, soutient-il. » « Dans ces conditions, c'est très difficile de remplacer du matériel
défectueux. »
Damir Kapidzic est du même avis. Il travaille pour ZaMir à Tuzla, en Bosnie, et nous avons de peine et de
misère réussi à le joindre sur le Net, en septembre :
« Techniquement, ZaMir est un petit système de six
serveurs branchés par de simples lignes
téléphoniques. Ces lignes sont très mauvaises, surtout
entre la Bosnie et la Croatie. ZaMir à Sarajevo est d'ailleurs hors
service en ce moment, faute d'électricité.
»
D'ailleurs, l'édifice qui hébergeait le serveur
de Sarajevo a été détruit par une attaque de
l'armée serbe : « Ça a été
terrible », déplore Aleksandar Olujic, technicien
de ZaMir et responsable du serveur de Belgrade. « Toute
communication a été coupée avec Sarajevo pendant plus
d'un mois. Le serveur a dû être
déménagé. »
Serbe, Aleksandar Olujic vit « en territoire hostile
». ZaMir, qui fait la promotion de la paix, est-il la cible du
gouvernement serbe à Belgrade? « Pas du tout,
répond Aleksandar, les personnes qui sont loyales au régime
ont la situation bien en main. Slobodan Milosevic
[président de la Serbie] ne se préoccupe tout simplement pas
de nous. »
« Je crois sincèrement qu'Internet aide la cause de
la paix », poursuit Aleksandar depuis Belgrade.
« La haine ne vient pas des gens ordinaires et les
républiques yougoslaves indépendantes et hostiles les unes
envers les autres (la Croatie, la Serbie et la Bosnie-Herzégovine)
sont maintenant reliées entre elles par un mode de communication
rapide et fiable. C'est très important. Il y a quelques
années, nous vivions dans le même pays et nous n'étions
pas des ennemis. Depuis, des familles ont été
séparées et le cyberespace est le seul moyen qu'ont leurs
membres pour se dire : « Eh! Nous sommes vivants! »
Cet article est en ligne depuis le 22 octobre 1995