L'Électron libre

1er zap - Juin 1995

L'hyper-entrevue

Jacques Parizeau


L'auditorium du Musée du Québec est rempli à craquer. Courriéristes parlementaires qui n'avaient rien à cirer du site gouvernemental et qui n'étaient là que pour scrummer Parizeau au sujet de l'avenir des Nordiques. Menu fretin fonctionnarial, pour remplir les nombreux sièges du lieu.

Puis, vient le dévoilement du site proprement dit.

Ça me fait tout chose de voir André Laurendeau, président du conseil d'administration du Libertel (Free-Net) de Montréal, présenter le projet devant les caméras. Dans la petite communauté internautique, ça jase de plus en plus à propos de sa double implication: président du Libertel, d'une part, et président de Néo-Média, entreprise qui a conçu le site gouvernemental pour un montant d'environ 100 000 dollars, d'autre part.
D'aucuns, comme Philippe Le Roux, du Réseau de veille sur les technologies de l'information, se demandent si Laurendeau osera mordre la main qui nourrit sa compagnie si cette même main refuse de nourrir le Libertel.

Ces suppositions consternent Laurendeau: "J'ai risqué ma profession et ma situation financière personnelle pour le Libertel", répond-il quand on lui fait part des bruits qui courent à son sujet. Il indique que même après avoir passé une nuit blanche sur son contrat gouvernemental, par exemple, il est allé déjeuner avec des représentants de Sun pour le Libertel. "En plein rush, j'ai pris une heure pour rencontrer Camille Laurin [le ministre responsable de la région de Montréal] et lui présenter le projet de Libertel. Non. Mon contrat avec le gouvernement n'a pas nui au Libertel, au contraire. J'ai pu en profiter pour faire des contacts qui ont plutôt accéléré le dossier."

En jasant avec différents fonctionnaires présents pour en savoir plus sur l'état du dossier du Free-Net, mes doutes se dissipent un peu.
Je pose d'abord la question au sous-ministre de la Culture et ex-directeur du Musée de la Civilisation de Québec, Roland Arpin, et il me répond: "C'est quoi un Libertel?" Passons...

Et je tombe sur Daniel Beauregard, conseiller au développement de l'autoroute de l'information au ministère de la Culture et des Communications. Il me confie que le Libertel l'aura, sa subvention! Toute une nouvelle, confirmée plus tard, cette journée-là par l'attitude quelque peu taquine de Jacques Parizeau lorsque je lui ai demandé s'il allait passer le dossier Libertel au Drano.

Beauregard raconte que la demande du Free-Net avait été retardée parce que le gouvernement exigeait des garanties quant à l'autonomie financière de ce réseau télématique communautaire pour les années à venir: "On ne voulait pas qu'ils nous demandent de les soutenir à vie", explique-t-il.
Seul détail encore inconnu, par contre: le montant exact de la subvention. Le Libertel avait demandé 616 000 dollars pour pouvoir démarrer l'esprit en paix. Il se peut que le Fonds de l'autoroute de l'information ne lui en verse que 400 000, poursuit Beauregard, montant avec lequel le Libertel serait forcé de refuser des membres.

Parizeau semble avoir compris que s'il veut que les Québécois le visitent, son site WWW, il a intérêt à soutenir le maximum de projets de Libertel au Québec.



Textes & photos & graphisme : Jean-Hugues Roy; mai 1995
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