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- A c t u a l i t é s

La réaction de Cyber@Québec au rapport Berlinguet
Section 1 - Commentaires quant à la démarche du comité Berlinguet


Point 1 - Limitation dans l'expression des besoins sociaux.

Nos premières observations nous portent à conclure que la population québécoise qui financera, utilisera et dépendra de plus en plus de ces inforoutes n'a pas été invitée à participer et à alimenter les travaux du comité dont les réunions se sont tenues dans la plus grande confidentialité.

Alors que la plupart des intervenants, notamment le Bloc Québécois, avaient reproché au gouvernement fédéral de ne pas faire assez de place à la population dans le comité Johnston, le comité Berlinguet ne comprend que quelques industriels , centres de recherche et fonctionnaires. Seulement quatre entreprises ont été consultées, tandis qu'on n'a pas jugé bon d'inviter les différents organismes associatifs, communautaires et syndicaux à donner leur avis.

Les inforoutes sont reconnues dans tous les pays comme bouleversant les institutions et, ainsi, restructurant la société pour les prochaines années, voire décennies. De la même façon que la télévision, le téléphone ou le train, cette évolution technologique permet à des individus de communiquer entre eux et d'échanger, sans connaître de frontières, de l'information et du savoir, avec une facilité et une efficacité sans précédent. Seule une consultation large et ouverte peut garantir que les gestes posés, notamment par le gouvernement et les services publics, supporteront le type de société à laquelle aspirent les Québécois et correspondront aux besoins réels du Québec.

Ces besoins n'apparaissent que furtivement dans le rapport du comité en prenant des formes très générales et ne semblent pas dépasser l'évidence ou le voeu pieux. On cite par exemple: "... rendre la connaissance accessible partout...", "...apprendre aux jeunes à s'ouvrir au monde...", "... promouvoir le français et les intérêts culturels du Québec...", etc.

Cyber@Québec croit que l'autoroute de l'information du Québec ne peut se faire en passant par dessus les besoins spécifiques et précis des différents groupes d'utilisateurs québécois. Ignorer ces besoins, c'est passer à côté de l'objectif le plus fondamental de ce projet : le mieux vivre québécois.

À la lumière de cette seule constatation, Cyber@Québec se doit de constater que la démarche du comité consultatif n'a pas permis d'identifier les besoins réels et les objectifs que la société québécoise peut viser à travers les milliards qui seront investis en son nom dans le projets d'inforoutes.

En comparaison, le gouvernent des États-Unis malgré l'importance des ressources dont il dispose pour établir une stratégie sur les inforoutes et malgré la maîtrise de ce dossier par ses plus hauts dirigeants (Bill Clinton et Al Gore), estime nécessaire de consulter ses citoyens pour bénéficier de nouvelles idées et orienter ses actions. Dans ce sens, l'Information Infrastructure Task Force (IITF) a jugé prioritaire pour définir sa stratégie, de consulter le plus grand nombre de personnes : utilisateurs, spécialistes, citoyens porteurs d'idées, etc. La dernière de ces consultations, le 12 juillet dernier, a réuni 10 000 participants notamment via Internet. 100 000 personnes ont consulté les travaux et près de 3 000 commentaires ont été recueillis. Plusieurs consultations de ce type ont été organisées par le IITF cette année.

Suite à la publication du rapport, il est important de noter qu'aucun mécanisme de rétroaction n'a été mis à la disposition des citoyens et intervenants concernés afin qu'ils puissent émettre leurs commentaires et leurs avis.

Point 2 - Motivation arbitraire du projet Inforoute Québec.

Nous croyons que la vision et les motivations du Québec dans ce dossier d'ampleur doivent dépasser le simple "tout le monde le fait, il faut le faire nous aussi!" Pourtant les arguments avancés par le comité ne semblent pas aller plus loin.

Nous constatons qu'aucune bibliographie n'est malheureusement annexée au rapport du comité.
Il semble que le comité consultatif n'ait pas étudié les différents rapports publiés par les groupes industriels et comités stratégiques nationaux qui travaillent sur ces enjeux depuis plusieurs mois, voire plusieurs années. À ce chapitre, une quantité appréciable d'information est disponible sur les stratégies américaines, européennes et d'autres pays, ainsi que sur les projets politiques, sociaux et industriels qui les accompagnent.

Nous croyons fermement que les motivations devant amener le Québec à réaliser l'inforoute doivent être solidement appuyées par des besoins de société, mais surtout, que ce projet doit se faire à la lumière d'une compréhension précise de ce qu'implique ce type de projet.

Point 3 - Manques.

1.3.1 Démarche ordonnée.

Il semble que beaucoup plus d'importance ait été accordée à proposer des recommandations et à suggérer des moyens qu'à analyser la problématique, les besoins et les enjeux de l'inforoute.
Dans toute analyse, une démarche logique et ordonnée doit être suivie:

On ne sent pas dans le rapport qu'une démarche rigoureuse ait été suivie par le comité avant d'arriver à ces recommandations très générales et peu motivées.

1.3.2 Démarche ouverte.

Cyber@Québec croit que le comité aurait pu bénéficier de plus de crédibilité en travaillant ouvertement et de façon transparente.

1.3.3 Besoins de la société québécoise.

Les thèmes choisis semblent toucher surtout l'image du gouvernement québécois plutôt que les principaux concernés - les Québécois. Le rapport ne traite en aucun temps des VRAIS besoins des Québécois ni de leur protection ou de leur participation.

Pertinemment, nous savons que plusieurs projets nationaux et internationaux relatifs à l'inforoute se réalisent dans d'autres pays. Il est décevant de constater que le rapport du Comité Berlinguet ne s'inspire ni n'incorpore en aucun temps le travail déjà effectué par d'autres personnes ou groupes de travail et qu'il ne considère pas les autres initiatives de projet d'inforoute. Le rapport se contente de dire que le "...Québec aura tout intérêt a suivre l'évolution de ces débats".

1.3.4 Vie privée et propriété intellectuelle.

La Charte québécoise des droits et libertés ainsi que la charte fédérale garantissent le droit à la vie privée et au respect de l'intégrité de sa personne. Les lois provinciales et fédérales sur l'accès à l'information établissent les critères et les conditions selon lesquels l'information peut être transmise à certaines personnes. Comment protéger les informations personnelles faisant partie de la vie privée d'un individu (tel le crédit, les dossiers de santé, assurance chômage, impôts etc.) une fois que ces informations circulent sur un réseau?

Nous croyons que le comité aurait dû se pencher sur les questions de confidentialité des modes de consommation des individus dans le contexte d'achat de biens et de services par le biais de l'inforoute. Il est très facile pour une entreprise faisant affaire sur les réseaux électroniques, de surveiller et d'étudier les modes d'achat des individus et de solliciter ces individus avec des offres très personnalisées.

Le gouvernement possède une quantité significative d'informations personnelles sur ses citoyens. Les mécanismes technologiques et légaux disponibles présentement sont-il en mesure d'assurer la sécurité et la confidentialité de ces informations? Le gouvernement est-il conscient de la responsabilité qu'il a en regard de ces informations? Nous sommes surpris que le comité n'ait pas recommandé au gouvernement que soient étudiées les mesures à prendre pour garantir la confidentialité des renseignements privés des individus.

Cyber@Québec croit qu'un code de déontologie s'appliquant à l'ensemble des inforoutes devrait être élaboré afin de protéger entre autres, les droits à la vie privée des utilisateurs ainsi que la confidentialité des renseignements personnels.

Le rapport exclut donc de façon expresse les thèmes les plus importants: la protection de la vie privée et de la propriété intellectuelle. Qu'en est-il de la culture si le thème de la propriété intellectuelle n'est pas étudié? Comment le gouvernement québécois propose-t-il de protéger les oeuvres qui seront accessibles sur l'inforoute?

1.3.5 Emploi.

Toute la question de l'emploi est mise de côté, alors que l'on sait très bien que cette problématique est une préoccupation majeure de notre société. Pourquoi le gouvernement du Québec n'a-t-il pas mandaté le comité consultatif pour réfléchir aux impacts d'un tel projet sur les perspectives d'emploi qui sont de plus en plus précaires. Nous aurions voulu connaître les opinions du comité en ce qui touche la démocratisation du processus d'emploi au Québec, des mécanismes de diffusion des emplois disponibles au Québec et les moyens permettant aux entreprises et aux travailleurs de se trouver dans un marché de l'emploi organisé et dynamique.

Nous pensons également que le gouvernement doit discuter ouvertement les impacts de la modernisation, notamment en terme de disparition d'emplois traditionnels et de recyclage. Nous croyons que le problème des disparitions d'emplois lié à la réingénierie de l'État doit être débattu franchement et ouvertement et non pas dissimulé à l'intérieur du dossier des inforoutes.

1.3.6 Développement industriel et promotion.

Le rapport est complètement muet quant au rôle stratégique que joueront les inforoutes dans une économie qui ne conna"t pas de frontières et ce, bien que le mandat du comité précise que l'une des quatre grandes orientations gouvernementales soit de "renforcer la compétitivité et les exportations du Québec". Les inforoutes sont en effet à la fois des sources d'informations stratégiques (appels d'offres, réglementation, statistiques, résultats de recherches industrielles, etc.) et des outils de promotion qui permettent de rejoindre à peu de frais des dizaines de millions de clients potentiels à travers le monde. Elles permettent entre autres aux PME d'avoir accès à des moyens autrefois réservés à de plus grandes entreprises.

Le gouvernement pourrait exprimer son leadership en la matière en diffusant de ses informations stratégiques et en identifiant les services d'informations étrangers les plus susceptibles d'aider les entreprises, et surtout les PME, dans leur quête de nouveaux marchés.

Par ailleurs, en donnant la priorité aux Ministères de l'Éducation et de la Santé pour la réalisation de réseaux, le comité limite la portée des retombées de ces projets à quelques grandes entreprises, toutes implantées à Montréal et à Québec. Et il est loin d'être acquis que l'expertise ainsi développée puisse être facilement exportable, les structures dans ces deux domaines étant fort différentes d'un pays à l'autre.

1.3.7 Commerce électronique.

Les initiatives de commerce électronique sur les réseaux comme Internet sont de plus en plus nombreuses depuis la disponibilité de mécanismes technologiques fiables pour l'exécution sécuritaires de transactions financières. Aux États-Unis, CommerceNet a déjà rassemblé plusieurs partenaires afin d'accélérer le développement de normes, de standards et de procédures pour la mise en place des infrastructures matérielles et logicielles devant permettre le commerce électronique.

Le comité aurait dû tenir compte de ces initiatives afin que soit clairement proposée une étude approfondie sur les possibilités du commerce électronique au Québec et les implications qui en découlent, particulièrement en ce qui concerne le droit des utilisateurs, des consommateurs et la compétitivité des entreprises québécoises.

Le commerce électronique apparaît comme une des applications clés des inforoutes, notamment en terme de financement. Rappelons qu'en 1994, alors que le World Wide Web démarrait à peine et qu'il n'y avait encore aucun système de sécurité pour les transactions électroniques, il s'est fait plus de 300 millions de dollars US de transactions sur Internet et que le volume de commerce électronique estimé d'ici 10 ans sur Internet sera de l'ordre de plusieurs centaines de milliards de dollars US. Tant aux États-Unis que dans les autres pays, de nombreux projets de standardisation de la sécurisation des paiements électroniques et de développements d'outils de cryptographie et de signature électronique sont en cours (CommerceNet, Terisa, Microsoft-Visa-Mastercard-Netscape, etc.). Il est surprenant que le comité soit resté totalement muet sur ce dossier aussi stratégique tant pour le financement et le développement des inforoutes au Québec que pour les compagnies et consommateurs de chez nous. De nombreuses questions stratégiques se posent à ce sujet. Notamment celles des taxations électroniques et du déménagement des comptoirs virtuels des entreprises dans des lieux où les politiques fiscales et bancaires sont plus avantageuses.

En n'abordant pas cette problématique, nous estimons que le comité a failli à son mandat qui incluait le renforcement de la compétitivité et des exportations du Québec.

1.3.8 Autres questions législatives.

En comprenant que l'inforoute est bidirectionnelle (ses contenus voyagent dans les deux sens) on comprend que l'on peut émettre mais qu'aussi, on peut recevoir de l'information. Comme nous le savons, Internet (entre autre) n'a pas de frontières ni de cadre législatif formel. Ainsi, toute la question de la loi applicable aux inforoutes du Québec doit être étudiée sérieusement afin de voir à la protection des citoyens et d'éviter par exemple, que les sollicitations non souhaitées ne viennent envahir leur espace cybernétique.


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