Pas d’éducation au numérique sans éducation tout court
C’était la ligue du vieux poêle, hier, à l’émission La Sphère. On y faisait un voyage dans le temps, en 1996, à l’époque des premiers balbutiements du web en soulignant, entre autres, les 20 ans de Branché.
À un moment, l’animateur Matthieu Dugal a demandé: « Quelles sont les erreurs d’hier qu’il ne faudrait pas répéter aujourd’hui? » Un peu surpris par la question, je ne suis pas satisfait de la réponse que j’ai donnée en direct et j’aimerais la reformuler, ici.
Matthieu venait de nous faire entendre un formidable extrait d’entrevue avec Michel Cartier qui racontait comment, prof à l’UQAM à la fin des années 1970, début des années 1980, il avait introduit les premiers ordinateurs à l’université. M. Cartier avait osé. Il avait expérimenté. C’était l’époque où l’UQAM vivait un certain âge d’or.
Aujourd’hui, l’UQAM est en crises. Au pluriel. Son École des sciences de la gestion veut la quitter. Ses étudiants employés sont en grève depuis trois mois. Ses profs, dont je suis, négocient leur contrat de travail en vain depuis deux ans et demi; nous ferons une grève d’un jour, mardi. Depuis un an, je vois des employés tomber en épuisement professionnel comme je n’en ai jamais vu depuis que je suis arrivé à l’UQAM, en 2011.
L’UQAM n’est pas seule. Toutes les universités souffrent d’un sous-financement chronique. Et les universités s’en tirent relativement bien si on les compare au reste du système d’éducation québécois et à l’ensemble des services publics affamés par des compressions de plus de quatre milliards de dollars depuis 2014.
Alors que notre société se transforme, on réclame de plus en plus que le système d’éducation s’y adapte, que nos écoles fassent une éducation au numérique par le numérique. J’en suis. Mais comment réussir ce passage, cette mission, dans un contexte où on doit se battre pour garder l’essentiel?
Cela sera très difficile. Un système d’éducation exsangue aura du mal à soutenir les efforts nécessaires pour une solide éducation au numérique. Pour prendre racine, l’éducation au numérique a besoin d’un terreau fertile. Affaiblir le système d’éducation, c’est asseoir la société de demain sur des fondations bien fragiles…