Journalisme (et pédagogie) sous le signe de l’innovation

Une nouvelle session commence à l’UQAM. J’y donne deux nouveaux cours, dont certains contenus sont déjà dispensés depuis 2012, mais avec plusieurs nouveautés aussi. Je souhaite surtout développer, chez la prochaine génération de journalistes, les réflexes de l’innovation. Comment? En essayant d’innover moi-même, entre autres.

EDM4434 – Atelier de journalisme sur internet

Plusieurs expériences, ici.

slack-logoD’abord, j’essaie Slack, un système de messagerie pour groupes de travail. D’autres enseignants font déjà l’expérience de cette application assez bien faite. Des médias, aux États-Unis, s’en servent également à l’interne, mais aussi pour interagir avec leur public.

Je m’intéresse à Slack parce qu’il permet de créer des robots qui automatisent certaines tâches. En combinant Slack avec IFTTT, j’en avais déjà programmé un qui avertissait les stagiaires du projet #1erVOTE, l’année dernière, lorsque le mot-clic #1erVOTE était utilisé sur Instagram.

Mais cette session-ci, je me suis créé un bot maison. Je l’ai prénommé Bob (le pilote du Romano Fafard [DUGPDCV]). Rédigé en python, il se connecte à la 42e minute de toutes les heures à une feuille dans Google Drive qui contient quelques dizaines de messages prédéfinis qui seront diffusés au cours de la session: travaux à remettre, anniversaires, autres messages humoristiques.

bob2

Slack, qui fonctionne sur ordi ou sur mobile, est le moyen de communiquer entre nous. Les étudiants devront y déposer certains travaux. Ça fait encore une autre patente à gosse avec un mot de passe à intégrer dans leur routine quotidienne. Et la mienne. Personne n’a dit qu’innover était facile.

Le contenu du cours, maintenant, s’articule autour de cinq éléments:

  1. Cryptographie. Très important pour protéger ses sources. Edward Snowden nous l’a bien montré!
  2. Langages du web. HTML et CSS essentiellement, afin que les étudiants soient plus à l’aise dans les systèmes de contenu (CMS) qu’ils croiseront au cours de leur carrière, voire de publier eux-mêmes leur propre média sur le ouaibe. Certains le font déjà.
  3. Tableurs. Pour apprendre à trouver des histoires dans les données.
  4. snapcodeInformation et médias socionumériques. Les étudiants vont diffuser des reportages sur ces nouvelles plateformes. Ils peuvent le faire sur Facebook Live, Twitter, Instagram Stories ou Snapchat. C’est pour ça que j’ai intégré mon snapcode (ci-contre) au plan de cours! Pour corriger, il va falloir que j’enregistre le contenu de mon cellulaire. Mais j’ai déjà fait quelques tests et ça fonctionne.
  5. Reportage long sur le web. Textes, photos, audio, vidéo. Les étudiants peuvent raconter l’histoire de leur choix sur la plateforme de leur choix. Un reportage en bande dessinée? Pourquoi pas. Le caractère innovant fait partie de mes critères d’évaluation. Et il faut faire mieux que ce que je mettais en ligne il y a plus de 20 ans!

Voici mon syllabus pour ce cours (MÀJ: l’horaire de la 2e séance a changé). En encadré, sur fond jaune: «L’objectif #1 de ce cours est de vous inviter à innover, à essayer, à expérimenter

Déjà, je peux tirer quelques enseignements. Dans l’image ci-dessous, une capture d’écran de Snapchat, il y a deux choses:

Des grelots enrobés de bacon. Méchant clickbait, toi!D’abord, j’ai réussi à… rater l’envoi de ma première histoire sur Snapchat. Est-ce qu’on peut appeller ça un «Snaprate»? [En fait, j’étais hors wi-fi…]

Ensuite, regardez les sujets que les médias balancent sur ce réseau social! Pas certain que ce soit un grand progrès pour l’information… Ce n’est pas parce que je le propose aux étudiants que je suis nécessairement un fan de Snapchat…

 


EDM5240 – Technologies de l’information appliquées au journalisme

Drôle de nom pour ce qui est, en somme, un cours de «journalisme de données». Mais je préfère l’appellation «journalisme informatique» (ma traduction de computational journalism). Car c’est bien de cela qu’il s’agit: appliquer certains outils et certains usages issus de l’informatique à des fins journalistiques.

Toile de Julien Dupré (1851-1910)

La moisson de données fait désormais partie des tâches journalistiques.

Au menu de ce cours:

  1. Initiation à la programmation. Avec Python. Carrément. Et pas seulement pour faire du scraping (moissonnage).
  2. Sequel Pro, logiciel pour gérer une base de données MySQLTraitement avancé de données. Avec MySQL. Pour que les journalistes de demain fassent des demandes d’accès à l’information en envoyant simplement une requête SQL à l’organisme public qui les intéresse.
  3. Visualisation. Pour raconter des histoires avec des données et avec panache.
  4. Réalisation d’un reportage basé sur des données ou encore d’un outil informatisé, comme un robot twitter, par exemple.

Même le plan de cours est une expérienceProfessortocat_v2 par jeejkang. Je l’ai fait sur Gitbook, une plateforme de publication basée sur le système git. Cela me permet de faire des modifs sur mon ordi et de les synchroniser avec ce répertoire public sur Github pour qu’ils soient reflétés après quelques secondes dans l’ouvrage.

Le contenu du cours est en phase avec d’autres cours semblables dans le monde. Il l’est aussi avec les usages des journalistes québécois, si je me fie à une série d’entrevues réalisées au cours de l’été 2015 et dont les résultats seront bientôt publiés. J’ai placé tous ces outils dans l’image ci-dessous. Il est impossible de tout voir. Ce n’est sans doute pas nécessaire non plus.

Outils du journalisme informatique


Comme toute expérience, je suis prêt à ce qu’elle échoue. Et ce sera mon expérience qui échouera, pas les étudiants Je leur ai d’ailleurs dit que je réviserais les exigences du cours s’il s’avère que certains éléments sont trop complexes. Je compte en tous cas m’adapter au rythme de chacun. L’innovation demande aussi de la flexibilité.

Bien sûr, je vais tout faire pour que ça marche. Un des signes sera que les étudiants auront aussi développé un discours critique face à la technologie. L’idée n’est pas de les transformer en serviles robots, mais de leur donner les armes pour, peut-être, les combattre (les robots). Ou en tous cas leur poser des questions. Car, de plus en plus, comme le souligne un récent ouvrage, Weapons of Math Destruction, les journalistes devront demander des comptes aux algorithmes (un autre papier sur le même thème ici).

À suivre. Je vais tâcher de rapporter le plus possible les résultats des expériences menées dans le cadre de ces deux cours.


La photo qui accompagne ce texte est un détail d’une des magnifiques productions d’Électrorobo. Image utilisée avec permission de son créateur, mon ancien collègue de Voir, Benoît Lavoie.

Vous aimerez aussi...

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *