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- A c t u a l i t é s

La réaction de Cyber@Québec au rapport Berlinguet
Section 2 - Commentaires sur le contenu du rapport


Thème 6 - Financement.

Observation 6.1 Le leurre de la réingénierie.

Le comité pose comme prémisse de base que la réingénierie des processus gouvernementaux dégagera rapidement les moyens nécessaires pour financer les inforoutes. Lorsqu'on parle de réingénierie, on fait souvent allusion à un mécanisme d'assainissement draconien des processus de travail, qui habituellement implique des mises à pied importantes et une augmentation des responsabilités pour les employés faisant partie du processus révisé. Cette démarche est habituellement liée à une forte automatisation des procédés.

Or, tout nous oblige à constater que cette hypothèse largement mise de l'avant par les groupes-conseil et certains centres de recherche, est loin d'être démontrée. Au contraire, les principales données sur ce sujet invitent à une grande prudence. Une étude menée à travers le Québec par un collectif d'intervenants représentatifs et dirigée par le CEFRIO sur les potentiels de la réingénierie fait la preuve que si le concept est très attirant, la réalisation des bénéfices n'est pas vraiment à portée de main. Enfin, monsieur Clinton qui s'était fait le grand apôtre du financement des inforoutes par les économies liées à réingénierie des processus gouvernementaux a été obligé de constater que les économies ne sont pas là et se retrouve obligé d'identifier d'autres modes de financement. Il serait dangereux pour le Québec, notamment au niveau financier, d'investir des sommes importantes dans la réingénierie sur la simple motivation d'économies illusoires qui nous permettraient de financer largement les centaines de millions de dollars de dépenses suggérées par le rapport.

D'autre part, la réingénierie des processus dans une organisation est une activité très dispendieuse tant au niveau social que financier et qui prend plusieurs années à se mettre en place. Or, le contexte des inforoutes ne permet pas au Québec d'attendre toutes ces années pour régler le problème du financement de sa stratégie dans le domaine.

Enfin, le comité propose de se reposer sur la compétence acquise par le secteur privé dans ce domaine. Or, il n'y a eu que très peu de projets de réelle réingénierie des processus d'affaires dans de grandes organisations au Québec. Et encore, ces projets n'ont pas encore donnés de résultats probants à terme. En conséquence, nous estimons que le gouvernement, au lieu de se bercer de fausses illusions, doit se poser la question du financement dans un contexte beaucoup plus conscient et réaliste de ses capacités réelles de financement.

Quant à la possibilité de financement à travers la revente d'information gouvernementale, nous aimerions rappeler au comité que le gouvernement ne peut pas revendre directement ou indirectement des informations fournies et financées par la population.

Les questions que le gouvernement devrait se poser sont les suivantes:

À notre avis, le nombre de VRAIS projets d'envergure en réingénierie qui ont réussit au Québec se compte sur les seuls doigts d'une main.

Observation 6.2 Les vraies questions du financement.

Le comité semble surtout s'être attardé à identifier des fonds disponibles pour dégager des budgets, quitte à pelleter une partie des coûts dans les ministères et les municipalités. À aucun moment, le rapport ne pose la question des choix, comme si le Québec de 1995 avait encore les moyens financiers des années 70 de dépenser sans limite. Le gouvernement devra notamment décider s'il préfère financer des projets industriels ou sociaux, financer des contenus québécois pour la population d'ici et l'exportation ou des infrastructures qui seront utilisées par les autres pays pour nous vendre leur contenu et leur culture. Ces questions ne sont pas des choix comptables, mais des choix de société.

À la page 43 du rapport le comité dit: "Le gouvernement devrait développer des indicateurs permettant d'évaluer la rentabilité des investissements "sociaux". Un tel effort de mesure permettrait de justifier plus facilement aux yeux de la population les investissements consentis." À notre avis, cela n'est pas suffisant. Nous sommes d'accord pour que soit mesurée précisément la rentabilité des investissements, mais, nous croyons qu'il faudra également mesurer aussi précisément les coûts sociaux de ces transformations.

Alors qu'à travers ses diverses recommandations, le comité entraîne le gouvernement vers des dépenses de plusieurs centaines de millions de dollars (matériel, logiciel et coûts de connexion pour brancher les écoles, mise en place d'un grand réseau pan-québécois à haute vitesse par l'extension du RISQ, matériel, logiciel et coûts de connexion pour toutes les bibliothèques, développement de libertels dans les régions éloignées, matériel, logiciel et coûts de connexion pour que le gouvernement et les municipalités deviennent des "usagers modèles" des inforoutes, mise en place de programmes de formation pour les professeurs et d'éducation pour le public, etc.), les recommandations proposées par le comité sont bien en-dessous des enjeux. Il ne suffira pas de dire au Ministère de l'éducation d'équiper les écoles tout en respectant son enveloppe fermée pour régler le problème de la connexion des classes... à moins que l'on mette le personnel au chômage durant quelques mois. Il ne suffit pas de dire aux municipalités de compléter le 6 millions de dollars que le gouvernement investira pour brancher les 900 bibliothèques aux inforoutes à grande vitesse pour que ces municipalités découvrent les moyens de le faire. Sans parler du réseau de la santé qui a du faire des choix draconiens pour supporter ses restrictions budgétaires et qui ne pourra compresser encore ses dépenses pour dégager les montants nécessaires à l'application des recommandations du comité.

Enfin, l'utilisation intégrale du Fond de Suppléance ne suffira pas à financer tous ces projets et privera le gouvernement d'une enveloppe de près d'un quart de milliards de dollars que la population pourrait préférer voir utilisée à d'autres fins, ne serait-ce que pour réduire le déficit.

Nous pensons que la question du financement des inforoutes est avant tout politique. Le gouvernement doit décider s'il financera l'industrie ou le social, s'il financera l'utilisation ou les tuyaux. Le rapport du comité ne lui est malheureusement d'aucune utilité pour trancher ces questions cruciales.

Observation 6.3 - Le rôle du privé.

Le comité recommande en 19 "Que le secteur privé amène sa contribution de diverses façons afin de brancher l'ensemble des écoles et des bibliothèques municipales à l'autoroute de l'information.". Nous pensons que les voeux pieux ne serviront pas à modifier le contexte économique et politique dans lequel nous vivons et que l'industrie privée ne fera pas de tels cadeaux sociaux sans contrepartie.

Il convient donc, selon nous, de concentrer les fonds gouvernementaux dans les projets à forte retombée sociale et de laisser au privé le soin de financer les projets de type industriel (projets de recherche appliquée et projets commerciaux). Par exemple, les centaines de millions de dollars dépensés dans des projets industriels ces dernières années, notamment par le biais du Fond de développement technologique et des autres programmes de financement de mégaprojets, ont eu suffisamment peu de retombées économiques et sociales pour que l'on regrette de ne pas avoir conservé ces fonds pour brancher les écoles. La meilleure façon de ne pas répéter un échec étant de ne pas refaire la même erreur, nous pensons que la question du financement doit être attentivement étudiée et discutée avec l'ensemble de la population et non pas juste avec les industriels et les scientifiques.


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