L'Électron libre

1er zap - Juin 1995

L'hyper-entrevue

Jacques Parizeau


Thème #3


Q. : Quand on vous dit qu'un jour tous les foyers québécois seront branchés, y croyez-vous?

R. : Ça, c'est le grand danger. Que dans un certain nombre d'années, la société se divise en deux groupes: ceux qui savent comment, et ceux qui ne savent pas; ceux qui ont accès, ceux qui n'ont pas accès. C'est un très sérieux danger parce que ce dont on parle, c'est du langage de l'avenir et de l'accès dans l'avenir à une foule de services. Alors ceux qui n'ont pas accès ou ne savent pas comment vont subir un préjudice dans leur vie.


Q. : Ce sera comme ne pas avoir le téléphone, par exemple?

R. : Je ne veux pas être inutilement alarmiste, mais un moment donné, ça va être comme être analphabète.

J'ai trouvé ça sidérant, quand on a organisé le comité du ministère des Communications et du ministère de l'Industrie et du Commerce, ce comité consultatif sur l'autoroute de l'information pour qu'on nous dise comment procéder - on avait pris un tel retard que moi je voulais d'abord et avant tout des conseils, alors ce qu'il y a là-dessus, c'est des techniciens, des financiers, des gens comme de Vidéotron, Téléglobe, des techniciens, savez-vous ce qu'ils m'ont fait comme recommandation à leur première réunion: de changer le système d'enseignement pour éviter qu'au moins à la prochaine génération, la société casse en deux, que tous les jeunes aient accès ensemble à ça. C'est formidable: des techniciens, des financiers, qu'est-ce qu'ils recommande: changer le système d'éducation pour que tout le monde ait accès à ça! C'est extrêmement intéressant. Y nous démontrent à quel point des gens de mon âge sont très inquiets de cette cassure qui pourrait se produire. Et quand on inaugure, avec le ministre de l'Éducation, les états généraux de l'Éducation, ça a été un des premiers messages que j'ai passé, c'est introduisons rapidement dans les écoles, et n'attendons pas trop longtemps, tout ce qui concerne ce langage-là.


Q. : Allez-vous annoncer des projets pour aider les écoles à s'équiper? Toutes les écoles que je connais sont sous-informatisées!

R. : Absolument. La première des choses qu'on fait - ça va se faire en quelques étapes, ça. La première consiste à assurer la diffusion des ustensiles nécessaires

[au même moment, l'agent de bord dépose couteaux et fourchettes sur notre table]

, des réseaux nécessaires. Sur ce plan-là, on fait des expériences comme celle qu'on est en train de faire avec Cogeco.

Cogeco veut mettre l'installation nécessaire à Drummondville, Trois-Rivières et

["Est-ce que c'est Grand'mère", demande-t-il à son attachée de presse, qui hoche de la tête par l'affirmative]

Grand'mère. Pas besoin de vous dire si cette expérience-là fonctionne, on va la propager un peu partout.

D'autre part, il y a le projet UBI, dans le Saguenay Lac-Saint-Jean, qui est intéressant et qui va se développer.

Alors, il y a une phase d'implantation - et il y a des choses intéressantes aussi qui se font par Bell.


Q. : Sirius?

R. : Sirius.

Alors il y a cette phase-là.

[L'agent de bord dépose le souper du PM: assiettes de raisins, de fromage et de biscuits secs]

Il y a une phase concommitante qui consiste à s'assurer de l'appel de production de contenus, de programmation, de banques de renseignements, soit fait ici et en français. Pas évident, ça. À l'heure actuelle, des tas de gens au Québec, habituellement très jeunes, qui ont des tas de bonnes idées quant au développement de logiciels et de programmes et de choses comme ça, mais ils n'ont pas d'argent. Bon. Le fonds de développement technologique est en train de s'orienter très nettement vers des choses comme ça: donner des appuis à des contenus. On installe, on met en place les installations nécessaires pour, si vous me passez l'expression, les bidules, mais on aide la production de contenus.


Q. : Le FAI, il y a une majorité de projets qui touchent le contenant, alors que la Cour suprême a bien dit que ce n'était pas le rôle du gouvernement du Québec de s'occuper de contenants.

R. : Ça m'est égal, les décisions de la Cour suprême...


Q. : Le gouvernement du Québec l'a pourtant acceptée, cette décision..

R. : ...on est dans un monde où il y a tellement d'interférance entre contenant et contenu que ce n'est pas vrai que je vais m'arrêter en aidant des contenus en disant quelque part :

[il se fait aller le doigt]

"Ah ah! C'est ici que la Cour suprême a tracé la ligne." Écoutez, je vais financer ce qui est utile.

Il y en a qui n'ont pas besoin d'aide financière. Il y a des très grandes sociétés qui ont besoin, très souvent d'un aide-courtier. Quand des tensions apparaissent entre deux très grandes sociétés, entre Vidéotron et Bell, par exemple, là, j'ai un rôle à jouer, moi. Ce n'est pas de l'argent, là.


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Textes & photos & graphisme : Jean-Hugues Roy; mai 1995
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